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Chronique #art 23 | novembre 2015

par Gianni Cariani

Andreas Gursky au Museum Frieder Burda :
de la « contrefaçon » comme perfection !

 

Andreas Gursky, Frankfurt, 2007, 237 X 504 cm (Andreas Gursky, VG BILD-KUNST, Bonn)

Le format est impressionnant. Dans sa frontalité, l’œuvre maintient à distance par son ratio hauteur-largeur et sa tonalité générale froide. Une ligne bleue faussement horizontale habite le regard. Elle divise l'espace en deux parties inégales. Les deux tiers supérieurs sont remplis de signalétique et d'encodage répétitifs qui s'affichent et semblent tombés en cascade. Un monde parfait, normé et organisé. Un monde limpide, efficace et rationnel.

 

Le tiers inférieur perturbe l'agencement régulier de la partie supérieure. Il y a une sorte d'agrégation hasardeuse, chaotique, indistincte. Un séquençage aléatoire. Deux univers superposés tout à la fois complémentaire et antinomique. Rien de plus banal qu'un terminal d'aéroport. Rien de plus extraordinaire que son extrapolation. Il s'agit donc d'un aéroport dans son usage presque courant, routinier, anodin.

Et à l'inverse, à proximité, on intègre le « terminal » et celui-ci est un peu particulier. Il s'agit maintenant d'une scène de genre revisitée. La réalité est quelque peu décalée. Du global au détail, il y a quelques éléments qui la modifient. Cette représentation n'est pas une copie d'après nature. Les terminaux sont mentionnés et réunis. C'est bien sûr un lieu improbable et sa décomposition puise dans une illusion de la réalité. Des rubans de sécurité sont haut perchés. Des canalisations sont étonnamment positionnées. Des chariots à bagages sont abandonnés.

 

Le personnel de l'aéroport est quasiment absent. Il occupe seulement le centre de l'espace. Une affiche plutôt vintage fait sa promotion. De loin, l’œuvre est une sorte d'abstraction. De près, c'est une fourmilière recomposée, entre années 1950 et post modernité. La lisibilité se fait divergente. La photo serait presque réelle, l'image produite est parfaite.

Andreas Gursky, Rhein II, 1999, 190 X 360 cm (Andreas Gursky, VG BILD-KUNST, Bonn)

La minutie opératoire est chirurgicale. Dans son travail, la maîtrise technique permet d'atteindre une perfection de l'image construite. La distanciation à son objet, son rendu quasi immatériel, son esthétisation outrancière modifient l'espace réel et subjuguent la perception. Le médium dépasse et transforme le sujet.

 

Quel que soit le thème, paysages urbains, espaces naturels, concentrations humaines, structures architecturales, manifestations populaires, la densité puissante qui se manifeste est captivante. L'objet iconique devient le lieu d'un dépassement sensible et d'un déplacement conceptuel. L'horizon est repoussé hors de ses limites. Dans le cadre formaté, une forte attraction et une fascinante expression s'exercent clairement. Dans la construction et l'appropriation de son objet, l'artiste joue des codes et des combinaisons. Sa maîtrise subjugue.

 

 

 

Le Museum Frieder Burda expose une partie des travaux d'Andreas Gursky jusqu'au 24 janvier 2016. A voir ou à revoir.

 

 

Gianni Cariani est docteur en histoire, guide-conférencier et enseignant à l'Université de Strasbourg.

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