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Histoire(s) des voyages | juillet 2015 

Une chronique mensuelle de Franck Michel

Risques et périls des aventures

« Il meurt lentement celui qui devient l’esclave de l’habitude…
celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves
. »

 

Pablo Neruda, 1921

 

La Havane, Cuba.

Aventures, mésaventures voire sales aventures, toutes forgent l’essence même du voyage, elles cimentent nos convictions, décuplent nos forces et déterminent notre capacité de résistance, à l’injustice comme à la souffrance, ou encore face à la bêtise et à la traîtrise.

 

Sur la route de l’aventure humaine, la prise de risques est indispensable, non seulement pour parachever les rêves les plus fous, mais aussi pour refuser la servitude et toute injonction à la soumission.

 

 

Guévaristes et résistants, le voyage comme aventure politique,

avec pour arme la poésie

 

 

En promenade aux Marquises, dont il a tiré un très beau récit, l’écrivain-voyageur Blaise Hofmann arrive sur l’île de Hiva Oa. Un îlot entré dans la légende, car immortalisé par l’omniprésence du fantôme de Jacques Brel. Et Brel forme avec le Che et Rimbaud une sorte de « trinité adolescente » qui, aux yeux de l’auteur suisse en vadrouille dans ces îles si pacifiques, mérite un beau pèlerinage.

 

Poètes et politiques sont aussi des aventuriers auxquels les voyageurs actuels entendent rendre hommage.

 

Lisons le témoignage de Blaise Hofmann dans Marquises (éditions Zoé, 2013) où avant de s’épancher sur le sort du Brel marquisien, il revient sur ses propres épopées passées à revisiter les traces de ses héros en Bolivie et en Éthiopie :

 

« Un romantisme désuet m’avait fait camper dans le maquis bolivien, près du hameau de la Higuera, où fut exécuté Che Guevara. Un programme de développement touristique a depuis imaginé une Route du Che. Plusieurs hébergements et restaurants ont ouvert, la petite école où le Che fut assassiné a été transformée en musée. On y vend de la terre prétendument imprégnée du sang du guérillero. Ce même sentimentalisme déplacé m’avait amené à Harare, dans le vain espoir de sentir l’Éthiopie d’Arthur Rimbaud. J’y avais visité la Maison de Rimbaud qui était en réalité la luxueuse demeure d’un marchand égyptien, rachetée par le ministère français de la Culture pour en faire un musée en hommage au pire commerçant européen que l’Afrique ait connu ».

 

Deux exemples de muséification de nos rêves révoltés ou, à défaut, de nos fantasmes de voyage au parfum d’aventure désuète. Deux illustrations aussi où l’on voit deux éclaireurs – l’un politique, l’autre poétique – se faire récupérer en bonne et due forme par les soutiers du capitalisme et même sombrer dans la politique des États, tous unis pour en découdre avec nos rébellions intérieures et nous guider vers un patrimoine-business mis en boîte et en tourisme. 

 

Je reviens plus précisément au Che, à sa mise en patrimoine, un patrimoine-monde à la fois cubain et latino, et à l’instrumentalisation de sa figure politique, mais aussi commerciale et touristique.

 

Bref retour sur une légende à la vie dure. Le Che — Ernesto Guevara de son nom — symbole de liberté révolutionnaire, arpenteur des routes d’Amérique du Sud à ses jeunes heures, caractérise l’espoir d’un monde meilleur et, le mythe contribuant à entretenir la flamme du Grand Soir. Il indique tel un prophète obligé du bonheur la route à prendre vers davantage de liberté. Une liberté qui reste à conquérir et dont la route pour l’atteindre semble bien longue de nos jours pour les peuples démunis.

 

Le récit qui retrace le périple à moto de près d’un an à travers cette « autre Amérique » que le Che et son ami Alberto Granado ont effectué en 1951-1952 est certainement un modèle du genre roadmovie engagé... Mythique et politique, anecdotique parfois, le récit qu’en donne Ernesto Guevara – repris au cinéma sous le titre Carnets de Voyage, un film signé Walter Salles – dévoile un périple où alternent, d’une part les observations de l’exploitation des Amérindiens Araucans ou des travailleurs dans les mines de Chuquicamata, et d’autre part les rencontres avec des militants, des résistants contre l’oppression locale déjà sous tutelle nord-américaine. Le Che et son compagnon enfourchaient alors une vieille Norton 500, mais leur voyage se termine à pied.

 

La route est ce qui permet ici une prise de conscience politique. Et pour bien reprendre la route et réemprunter cet itinéraire, il importe de lire leur aventure, tant sociale que mécanique, Voyage à motocyclette (2001).

 

En l’an 2000, dans leur récit critique du régime cubain, L’île du docteur Castro, les journalistes Corinne Cumerlato et Denis Rousseau ont relevé que « dans la Vieille Havane, la chanson ‘Hasta Siempre Comandante’ consacrée au Che, figure plus que jamais au hit-parade des touristes, souvent coiffés d’une copie bon marché du légendaire béret frappé d’une étoile. Aux étals des ‘artisans’, colifichets, portraits et tee-shirts à l’effigie du ‘guérillero héroïque’ figurent toujours en bonne place. À 300 km à l’est de La Havane, dans la petite ville de Santa Clara, l’imposant mausolée du Che est devenu l’une des attractions de l’île communiste : des dizaines de milliers de touristes étrangers et des centaines de milliers de Cubains se sont déjà inclinés devant la niche signalée par une étoile de lumière ». Ce qui n’empêchera pas un habitant de Santa Clara de faire de la prison pour avoir dit un peu trop fort que ce n’était pas des os que ses companeros et lui-même voulaient, mais de la viande…

 

En 2015, cet engouement marketing pour le Che n’a cependant pas cessé, même si la fibre révolutionnaire en tout genre a depuis sacrément perdu de sa superbe. Alors que le régime cubain entreprend sous la contrainte d’un monde qui change une légère, mais constante libéralisation, cette Chemania ne connaît pas la crise et a gagné en intensité, autant par le fait de la commercialisation de l’idée (et de l’idéal) révolutionnaire que par le vide laissé par la fin des utopies encore accentuée par une mondialisation aussi inquiétante que déprimante.

 

Depuis 2001, après l’entrée dans le nouveau millénaire puis la chute des tours jumelles chez l’ennemi-voisin historique, on s’est comme résolu à changer de monde et non plus le monde. À Cuba comme ailleurs. En Bolivie, le dernier itinéraire du Che, à la veille de sa mort, est désormais transformé en circuit touristique, comme l’a également souligné Blaise Hofmann.

 

Pour ma part, si j’ai déjà pu constater l’efficacité du Che comme argument de vente à Cuba en 1996, c’est-à-dire avant la construction de son mausolée, ma surprise fut bien plus grande lorsque je découvris en 2001, dans l’enceinte d’un temple bouddhique de Nongkhai, à la frontière thaïlando-laotienne, les robes safran des bonzes en train de sécher, fixées sur une corde : toutes étaient comme d’accoutumée de couleur unie et sans motifs sauf une qui arborait un pochage de la célèbre bouille du guérillero…

 

Étonnant lorsque l’on connaît la rigueur monastique du nord-est de la Thaïlande. Le Che n’est plus seulement cette figure christique qui lui colle à la peau, si bien immortalisée par le photographe Alberto Korda, mais il symbolise aux yeux de certains tout autant l’idéal bouddhique que la rébellion politique. Une question d’époque et de lieu. Et de mode qui bien évidemment n’est et ne fut pas seulement vestimentaire.

 

Dans L’homme qui aimait les chiens (2013), l’écrivain cubain Leonardo Padura a traversé l’histoire politique du XXe siècle, avec ses mensonges idéologiques et ses rêves brisés. Au premier semestre 2015, l’écrivain vit à Cuba, ayant toujours refusé l’exil doré ou la fuite en avant. Il salue aujourd’hui l’ouverture du pays et surtout le dégel des relations avec Washington. En espérant, comme tant d’autres, que le pays ne tombera plus dans les travers mafieux et ultra-capitalistes – sur fond de corruption, prostitution, jeu et drogue – d’avant la très longue période castriste.

 

En mars 2015, on est néanmoins un peu perplexe lorsqu’on découvre la couverture de l’édition américaine de l’hebdo Newsweek : on y revoit la célèbre frimousse du Che avec le slogan « Viva el capitalismo ! »… Détournement du fameux « Viva el Che ! », autre slogan usé jusqu’à la moelle par Fidel Castro, mais traitre à la voie socialiste chère aux guévaristes.

 

Un détournement peut toujours en cacher un autre, ce en quoi le castrisme dogmatique peut serrer la louche au capitalisme sauvage. Avec Leonardo Padura, on ne peut que se réjouir de l’évolution actuelle de l’île de Cuba et, pourtant, cette superbe bouffée d’air si attendue par le plus grand nombre est déjà polluée d’inquiétudes !

 

Des illusions aux désillusions, des héros aux monstres, l’aventure file parfois un mauvais filon. Le cours de la vie n’est jamais prédit. Pilleur de statues et d’antiquités khmères, André Malraux avait mal commencé l’écriture de sa propre légende et, pourtant, il finira en toute beauté, il dort et trône même aujourd’hui au Panthéon ; l’aîné des frères Castro a bien commencé sa carrière de libérateur et de révolutionnaire, pas sûr qu’il termine ses jours en conservant sa popularité d’antan !

 

Mais, dans l'aventure qui dérape, il y a bien pire : c'est quand l’invitation au voyage se mue soudainement en appel à la haine, avec au bout du compte et de la route des morts qu’on ramasse à la pelle. L’aventure individuelle, à tant d'occasions si riche et prometteuse, devient alors un cauchemar collectif. Le voyage de sa vie se transforme parfois en une course à la mort.

 

Écrivain slovène né en 1913, Boris Pahor a connu l’enfer des camps nazis après avoir subi les horreurs du fascisme italien. Être issu d’une minorité n’a jamais été une sinécure, jadis comme de nos jours. On retiendra que toute minorité en temps de crise donne du grain à moudre à la fabrication de l’indignation.

 

Sortant de l’oubli du monde après son quatre-vingtième anniversaire, Boris Pahor raconte sa survie dans son émouvant témoignage Pèlerin des ombres, il y évoque ses passages au camp de concentration du Struthof jusqu’à celui de Bergen-Belsen, entre autres. Surtout, son récit est le fruit d’un retour sur les lieux du crime et de l’horreur : 40 ans après sa déportation, il retourne au Struthof, anonyme parmi la foule de touristes, il se souvient et il témoigne, il voit aussi l’importance du travail de mémoire, et même l’espoir d’un autre monde à venir, à bâtir, dans le même esprit que son cadet de résistant engagé, indigné comme lui, Stéphane Hessel, qu’il rencontrera publiquement peu avant la mort de ce dernier, en 2012.

 

Il note, alors qu’il se trouve au Struthof, au milieu des touristes venus pour tenter d’apprendre autour de la barbarie nazie sinon de comprendre la tragédie de la condition humaine, ces lignes à méditer :

 

« C'est étrange, il me semble que les touristes qui regagnent leurs véhicules m'observent comme si, soudain, une veste recouvrait mes épaules, comme si mes galoches écrasaient encore les cailloux du chemin. Car si nous ne savons pas comment s'établit en nous le contact entre passé et présent, il n'en est pas moins vrai qu'un fluide imperceptible et puissant nous traverse parfois et que la proximité de cette atmosphère inhabituelle, insolite, fait tressaillir les autres comme une barque sur une vague soudaine. Il est peut-être resté sur moi quelque chose des jours d'autrefois. (…) Tout autour, les gens se sont levés sur la pointe des pieds pour voir les cendres et les morceaux d'os dans les pots, quant à moi, il me semble toujours aussi inconcevable qu'on puisse, devant ce four si imposant, demander de quoi il s'agit ; en même temps, cette légèreté me calme, car elle me confirme dans l'idée que la conscience s'éveille à un rythme désespérément lent. C'est-à-dire que je suis plutôt satisfait de constater que le monde des camps est incommunicable même si je ne peux pas dire que cette idée me soulage ».

 

Le temps n’abolit pas le passé, au mieux il l’éclaire, et il fait son travail, simplement, mais nécessairement. Malgré cela, le passé s’avère parfois trop lourd à supporter ou trop rude pour passer. Les mots sont des armes qui ne suffisent pas toujours à apaiser les maux de l’âme.

 

 

Du pèlerinage dans sa version Daech à la fin du monde

et la dèche du voyage

 

 

Il faut toujours prendre des risques pour réaliser ses rêves, comme le suggère implicitement Pablo Neruda dans la citation placée en exergue de cette chronique ; oui, mais pas n’importe lesquels. Les risques aussi, on peut modestement les choisir ou, tout au moins, les anticiper quelque peu.

 

Certains êtres fragiles ou désorientés, jeunes paumés de notre Occident qui ne fait plus rêver, à l’exception de tous ceux qui n’y vivent pas et bravent les pires dangers pour y accéder, foncent en Syrie, en Irak, en Libye, en Afghanistan…  (il serait bien intéressant de "croiser" ces expériences que tout oppose, entre d'une part les Occidentaux désireux de rejoindre le Moyen-Orient pour y faire la guerre, et d'autre part les Orientaux soucieux de fuir cette même guerre et d'arriver au plus vite en Europe...).

 

Ils croient rêver d’un Orient qui ne serait pas moyen, mais rédempteur, sacré et extrême, une sorte d’eldorado où l’attendraient des vierges dociles et des armes automatiques. En fait, les premières seront effarouchées et les secondes meurtrières, pour les autres en face et in fine pour eux-mêmes. Le paradis c’est l’enfer, et non pas inversement. Cette aventure est forcément une mésaventure, et la route une terrible impasse.

 

Au bout de cette voie, unique comme un dieu, le voyage est n’est pas grand comme Allah, mais minuscule comme le petit pois qui fait office de cervelle de ces candidats au suicide téléguidés. Une fin de voyage organisé toujours spectaculaire et sanguinaire pour les clients occidentaux de Daech. Non seulement on ne revient pas indemnes de ce type d’expédition, mais on n’en revient généralement pas, tout simplement. Le trip version Daech est un voyage définitif, certes bien organisé sur place par des GO d’un genre morbide, mais sauf erreur il s’agit  toujours d’investir dans un aller simple. Le retour est en option, aléatoire, et très cher payé.

 

Pour mettre de l’ordre dans ces périples fanatiques, il fallait un guide de voyage à la mesure du défi. Les voyagistes assermentés par Daech y ont pensé. Les candidats au djihad ont désormais leur Routard à eux, une cinquantaine de pages rédigées par des propagandistes qui savent parfaitement ce qu’ils font, même si leurs clients-lecteurs ne savent pas vraiment où ils vont.

 

En avril 2015, dans un article du Monde, Madjid Zerrouky décortique ce guide de voyage carrément pas comme les autres. Loin de délivrer les âmes en perdition, ce guide, titré « Emigration vers l’État islamique » (Hijrah to The Islamic State), délivre des conseils pour se rendre en Syrie et rejoindre les foyers terroristes.

 

La publication est d’abord un redoutable outil de propagande qui gangrène la Toile et tourmente les esprits fébriles. Cette version salafisto-facho-islamiste du Lonely Planet « Moyen-Orient » 2015 fait l’apologie dudit État islamique qu’on ferait mieux, dans nos chers médias, d’appeler Daech (pour ne pas légitimer, même inconsciemment, l’existence d’un État qui serait islamique dans cette région, en fait strictement islamiste, les mots ont une histoire et les amalgames enveniment une géopolitique déjà bien mal en point)…

 

Ce guide controversé est paru d’abord en anglais et en version e-book, les services secrets européens – surtout britanniques – sont sur la brèche, mais ils paraissent dépourvus devant la force occulte des… réseaux sociaux autour de ce dossier mortifère et tellement urgent. Pour l’heure, Scotland Yard considère ce guide de voyage très particulier comme une véritable « menace » pour la sécurité. Le guide comprend des recommandations pour les nouveaux adeptes (je rappelle que Daech relève de la secte, lointain avatar de celle des Assassins en mode aujourd’hui beaucoup plus criminel), ainsi que des conseils de sécurité et, last but not least, d’inévitables références et citations religieuses qui ne font pas dans la dentelle.

 

Il est pourtant même possible de se marrer en lisant certains passages, si, si, vraiment… L'humour est et reste un acte de résistance, on ne saurait trop le rappeler : « Pour les vêtements, n’emportez que le strict minimum (okay, des sœurs se sont évanouies en lisant ça…) », rapporte le journaliste du Monde qui, ironique, illustre plus loin dans son article l’étrange fibre écolo des versificateurs-terroristes en herbe : « ‘Ce n’est pas parce que vous émigrez qu’il faut salir la Terre d’Allah.’ Il conseille donc d’utiliser des chargeurs à énergie solaire pour recharger son lecteur MP3 ‘ce qui, en minimisant le gaspillage et la pollution, vous apportera œuvre méritoire et bonnes actions (en prévision du Jugement dernier)’ »…

 

Si le ton du guide s'affiche parfois léger, le contenu est parfaitement clair, voire délirant, et bien diffusé sous le voile ou la burqa, la com’ étant devenue une pièce maîtresse de la stratégie terroriste. Du guide à la presse, c’est du pareil au même.

 

Dans son numéro d’avril 2015, Dar Al-Islam, la revue islamiste émanant directement de Daech, disponible en langue française, ne manque pas de rappeler que « la Hijrah (l’émigration) est une nécessité pour le musulman afin qu’il ne vive pas au milieu des nations injustes qui désobéissent à leur seigneur et encourent ainsi sa colère ».

 

Même si le nombre est impossible à évaluer précisément, on estime qu’à l’été 2015 environ cinq mille combattants en provenance d’Europe se battraient en Irak et en Syrie notamment (source : Institut international d’études sur la radicalisation et la violence politique). Au final, le guide de voyage Hijrah to the Islamic State convient malheureusement à celles et ceux qui sont plus en quête de guide que de voyage.

 

C’est tout le problème. Tous les amoureux de voyage délaisseront le guide – qu’il soit de papier, sur tablette, ou en chair et en os – dès que possible pour se consacrer pleinement à la joie simple, jouissive et imprévue, du seul fait de voyager, en toute liberté. On est aux antipodes des fanatiques religieux de tout poil.

 

« La religion est l’opium du peuple » répétait déjà au XIXe siècle un sacré barbu britannique, il est vrai parfois bien inspiré, et trop souvent mal compris. D’autres barbus, nettement plus mal inspirés, n’ont depuis cessé, de l’Inde au Maroc, en passant par l’Iran, d’importuner les hommes et plus encore les femmes avec leurs sottises qu’ils nous font croire tout droit sorties d’un livre avec un L majuscule. Unique comme leur dieu. Pourtant les gigantesques autodafés de livres interdits – « mis à l’index », ce qui veut tout dire, en nous renvoyant au temps de l’Inquisition, car les chrétiens comme on sait n'ont rien à envier aux musulmans – ont toujours été le seul fait des dictateurs fascistes, nazis, staliniens, maoïstes ou religieux, et d’abord monothéistes.

 

On pourra dire ou écrire ce qu’on veut sur Charlie, il reste que Charlie ou tout autre organe de presse digne de ce nom n’a jamais organisé d’autodafés des œuvres de Freud, de Zweig ou de Salman Rusdhie, ni même commandité des meurtres ignobles au nom d’une idéologie ou d’une religion.

 

Lecteur du guide djihadiste, minable combattant des ténèbres, ton combat n’est pas le mien, et Mein Kampf rappelle un sinistre antécédent duquel tu t’inspires sans même le savoir, tellement on t’a lavé le cerveau. Ton lointain ancêtre partait en croisade sur la même terre où tu vas faire ta guerre sainte, ce qui prouve, une fois n’est pas coutume, que les leçons du passé ne servent à rien. Chrétiens et musulmans ne cessent de parler de « paix » en s’entretuant, et cela dure depuis plus de 2000 ans. Tu ne fais rien pour changer la donne, au contraire tu entretiens le conflit qui avant tout est calé quelque part au fond de toi, au tréfonds même de ta sinistre personne.

 

Cher candidat décérébré au djihad, comme autrefois l’illuminé du faisceau et du ciboulot, tu pensais être un as mais au fond tu n’es qu’un naze. Un naze à grosse barbe comme jadis tu aurais pu être un nazi à petite moustache. Autre époque, même combat. Pas le mien, c’est Dein Kampf, et à toi demain d’assumer ce qui ne peut en aucun cas l’être. 

 

Pour terminer sur un autre combat, plus positif, plus humaniste, je ne peux m’empêcher de citer une nouvelle fois une parole forte de ce jeune homme centenaire qu’est l’écrivain slovène Boris Pahor : « Celui qui ne craint pas ses voisins, ne ressent aucunement le besoin de les détruire ». Extrait de son récit Pèlerin parmi les ombres (1996), ce bref passage s’adresse à chacun de nous, car nous sommes tous face à de nouveaux fléaux où les migrants actuels du Sud sont les réfugiés des camps d’autrefois.

 

Le « camp » a certes été rebaptisé « centre », mauvaise conscience collective oblige, mais la souffrance des survivants est la même, le déni et le mépris exprimés à leur égard hélas identiques. Alors, qu’on le veuille ou non, les résistants d’antan sont et seront plus que jamais les ancêtres des indignés d’aujourd’hui.

 

Il ne dépend que de nous, jeunes et vieux, hommes et femmes de notre temps, au vent mauvais, d’en être de fiers et dignes héritiers.

 

 

Nongkhai, Thaïlande.

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