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Linde Waidhofer
Autres Patagonies

Linde Waidhofer photographie les paysages autant par passion que parce que c’est son métier. Elle a publié cinq livres de photos de paysages : High Color Spectacular Wildflowers of the Rockies ; deux livres grand-format sur le désert du Sud-Ouest américain ; Red Rock, Blue Sky et Stone & Silence ; un livre consacré aux cavernes de marbre en Patagonie, Blue Light, et plus récemment, Forests of Light, une exploration visuelle des forêts de trembles des Rockies.

 

Linde cherche à transmettre en images l’émotion dégagée par les paysages sauvages et mystérieux. Elle trouve cet équivalent dans la géométrie secrète, sous la surface du monde naturel, dans les images simples et abstraites. Elle aime les endroits les plus sauvages de l'Ouest, la lumière naturelle et les temps changeants. 

 

Elle est représentée par Light Mountain Pictures en Californie. Ses photos de paysages de l’Ouest américain ont été publiées dans National Geographic, par les éditions Sierra-Club, et dans des magazines en Allemagne, en Italie et aux États-Unis.

 

Aujourd'hui, Linde Waidhofer vit près de Creston, dans la vallée de San Luis dans le Colorado, au pied des sommets des hautes montagnes de Sangre de Cristo, au nord de la Great Sand Dunes, dans une maison conçue et construite avec son mari. De ce camp de base, elle essaie de passer au moins six mois par an sur la route, pour explorer et photographier de nouveaux paysages.

 

Son aventure photographique la plus récente est une exploration continue de la Patagonie, à l'extrémité méridionale de l'Amérique du Sud. Un paysage d'une beauté incroyable, encore relativement peu visité, inconnu, et presque sans documentation photographique. 

 

Elle se mobilise par ailleurs, grâce à ses images, pour un certain nombre de campagnes environnementales importantes visant à protéger la Patagonie « vierge et sauvage » de la menace du développement industriel.

 

English version of Linde Waidhofer's biography, here

 

Site de Linde Waidhofer : www.westerneye.com

D'autres Patagonies

par Linde Waidhofer

 

 

Comme la plupart des événements qui vous bouleversent pour la vie, ma première visite en Patagonie fut presque un accident. J’y ai trouvé un paysage complètement inattendu. Un paysage surréaliste. Pas un seul paysage surréaliste, mais beaucoup de paysages, tous différents. Aujourd’hui, je passe la moitié de chaque année en Patagonie et c’est toujours une aventure, toujours une découverte. Une redécouverte.

 

Bien sûr, la Patagonie relève autant du mythe que de la réalité. Dans les récits de voyage et dans les contes des voyageurs, la Patagonie est un mot de code pour le lointain, l’éloigné, l’inaccessible. On ne peut pas aller plus loin.

 

Le mythe de la Patagonie veut aussi que ce soit une zone aride, presque stérile, des plaines et des pampas balayées par les vents, un horizon percé par de minces et élégantes aiguilles de granit. Oui, c’est bien ça, la Patagonie, les tours et les sommets qui ont fasciné des générations d’alpinistes du monde entier. Mais il y en a d’autres.

 

D’autres Patagonies, tant de Patagonies : l’humide Patagonie du littoral, la Patagonie des forêts tempérées, la Patagonie des fjords, la Patagonie des calottes glaciaires, la Patagonie de la steppe des belles lettres argentines, et aussi la Patagonie verticale des revues d’alpinisme…

 

Une Patagonie des forêts trop denses pour pouvoir marcher dedans, des bosquets de bambous, des arbres millénaires — les alerces — les arbres les plus vieux du continent… Une Patagonie des rivières d’eau cristalline et pure, de vastes estancias et de toutes petites fermes, et une Patagonie seulement croisée par quelques « routes » , routes de terre et cailloutis qui dévorent des voitures....

 

Quand on traverse les Andes d’est en ouest tout change, et puis change encore, et puis encore, Tous les 50 ou 100 kilomètres vers l’ouest on découvre un autre climat, une autre terre. Toute la gamme va des plaines desséchées et arides jusqu’aux prés envahis de fleurs, aux îles et aux archipels pluvieux où rien jamais ne sèche.

 

Dès ma première visite en Patagonie chilienne, sur le versant ouest des Andes, ce fut le coup de foudre à chaque fois que je sortais mon appareil photo pour fixer un regard sur ce merveilleux paysage.

 

J’ai vu de nouvelles créatures dans chaque photo : des perroquets partageant le ciel avec des condors ; des hiboux-pygmée, la taille de mon poing, et des flamants roses, grands et timides ; des vizcachas qui ressemblaient un mélange de lièvre et marmotte, chez eux perchés sur des falaises vertigineuses ; et des guanacos, apparentés aux lamas de Pérou mais jamais apprivoisés.

 

J’ai photographié de nouveaux arbres avec de nouvelles feuilles, des arbres décorés d’une mousse très particulière, « la barbe du vieux ». Partout il y avait de l’eau claire et turquoise, de l’eau si pure que l’on peut en boire dans chaque rivière, chaque ruisseau, chaque lac de Patagonie sans craindre la moindre pollution.

 

Je savais que la Patagonie était une frontière. En anglais, et en blaguant, je disais « You can’t get there from here ». D’ici on ne peut guère l’atteindre — peu importe où se trouve cet « ici ». Certes, on ne peut s’y rendre en voiture du reste du Chili. La route vers le sud s’arrête à Puerto Montt. Et la plupart des voyageurs s’y arrêtent aussi. La majorité des étrangers, des touristes, des Chiliens.

 

Pour moi aussi, la Patagonie est devenue une sorte de frontière, une frontière photographique où il fallait tester mes nouveaux appareils numériques jusqu’à leur limite, et parfois au-delà : photographiant sans un trépied, d’un bateau qui bouge, dans une caverne ombragée, ou au pied d’un iceberg de trois étages. Toujours une surprise. Toujours surprenant. Toujours une autre Patagonie à explorer.

 

Comme c’est souvent le cas dans les endroits presque parfaits, la beauté de ces autres Patagonies est fragile et menacée. Ici, les gens n’ont pas été aussi destructeurs qu’ailleurs, simplement parce qu’il y avait moins de gens ici qu’ailleurs.

 

Mais aujourd’hui une véritable avalanche d’avarice industrielle est prête à s’abattre sur ce tranquille et inaccessible coin du monde. Un consortium d’entreprises internationales d’énergie a ciblé toutes les rivières et tous les lacs de la Patagonie chilienne, centrale et nord. Ils veulent y construire de monstrueux mégabarrages, et installer la plus longue ligne de transmission de haute tension du monde, pour livrer l’électricité aux mines du nord.

 

L’effort qui vise à sauvegarder la Patagonie de cette destruction imminente représente l’une des luttes environnementales les plus difficiles et les plus importantes de notre époque. J’espère surtout que mes photos témoignent de l’importance de sauvegarder le Sud et ces autres Patagonies.

 

 

 

© Linde Waidhofer

Other Patagonias

by Linde Waidhofer

 

 

I visited Patagonia for the first time almost by accident, and once there I discovered a totally unexpected landscape. A totally surrealistic landscape. Not just one surreal landscape—but many. All of them different. These days I am spending half of every year in Patagonia and it’s still an adventure, still fresh, still a discovery.

 

Patagonia, of course, is as much myth as reality. In travel books and travelers’ tales Patagonia is a code word for remoteness, for a place beyond. As far away as you can get. The myth of Patagonia also says that this is a land of arid shingle, dry windswept plains, steppes and pampas, punctuated on its western skyline by snaggletoothed granite spires. Yes, that’s Patagonia. This is  the classic landscape of southern Argentina that alpinists and rock climbers from around the world have fallen in love with. But there’s more.

 

Other Patagonias, so many other Patagonias: wet west-coast Patagonia, temperate Patagonia, fjordland Patagonia, the Patagonia of endless ice caps, as well as the steppe-and-pampa Patagonia of literature and the vertical-granite Patagonia of climbing magazines. A Patagonia of forests too dense to hike through, of bamboo groves, of giant thousand-year-old Alerce trees, of unpolluted rivers and turquoise lakes, of tiny hardscrabble ranches and a handful of tenuous one-lane dirt roads....

 

Cross the Andes from east to west and everything changes, and then changes again, and then again. Every fifty miles farther west you find a different climate, a different land: from bone-dry plains dotted with thorny scrub, to meadows choked with wildflowers, to dismally rainy islands and archipelagos on the Pacific where nothing ever dries out.

 

When I started visiting Chilean Patagonia, on the western slope of the Andes, it was love at first exposure. New creatures: parrots sharing airspace with condors, tiny pigmy owls and large always shy pink flamingos, bushy tailed vizcachas (somewhere between rabbits and marmots) scampering across steep rock cliffs, and guanacos (the southernmost branch of the llama family, never tamed, grazing symbols of the south).

 

New trees with new leaves and new colors in autumn, trees hung with grey-green moss, “old man’s beard.” The unearthly clear deep turquoise of glacial lakes seemingly without the usual milky glacial silt. Giant wild mutant rhubarb leaves a full meter across, some two meters across. Unnamed waterfalls on unnamed creeks. And to date, no pollution, no need to filter the water, no rivulet, brook, tarn, pond or lake in Patagonia that you can’t drink directly from.

 

I knew Patagonia was a frontier. You can hardly get there from here. Wherever here is. You certainly can’t drive there from the rest of Chile. The road south stops at Puerto Montt. And so do most travelers, most tourists, most Chileans. For me Patagonia became a photographic frontier as well, pushing my new digital tools to the limit. Shooting hand-held from a rocking boat in a deep shadowy cave, or under a three-story iceberg... Always surprised, always surprising. Always another Patagonia to explore.

 

As with so many perfect places, the beauty of these Other Patagonias is both fragile and threatened. People haven’t been as destructive here as elsewhere simply because there have always been fewer people here than elsewhere. But today a veritable avalanche of industrial greed is poised to fall upon this stunning remote corner of the world.

 

Consortiums of international energy corporations have set their sights on the lakes and all the rivers of central and northern Chilean Patagonia, proposing enormous and enormously destructive mega-dams, coupled with the longest high-tension transmission lines in the world to carry cheap power to mining companies in the North.

 

Saving the rivers, lakes and watersheds of Patagonia from imminent destruction is shaping up to be one of the toughest and most important environmental fights of our time. I hope my photographs bear witness that the far far south is indeed worth saving.

 

 

 

 

© Linde Waidhofer

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