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Chronique #art 4 | mars 2014

par Gianni Cariani

Villes du Nord : Copenhague et Malmö

 

Aux antipodes des mégalopoles, l'aire géographique associant Copenhague et Malmö est une sorte de village surdimensionné séparé par le détroit de l'Öresund. C'est un territoire largement urbanisé dont l'étendue est assez vaste.

 

Ce détroit qui jusqu'à récemment faisait office de frontière entre le Danemark et la Suède représente maintenant un lien, une voie de transit, un passage entre les deux villes. De fait, c'est une région administrative officielle, binationale et transfrontalière, comptant près de 4 millions d'habitants et ayant une densité proche de 200 habitants au km². Ce qui en fait une aire très densément peuplée comparativement aux autres régions du Danemark et de la Suède.

 

En réalité, comme souvent dans ce type de situation, pour des raisons diverses et variées, économiques et culturelles, les relations entre les deux villes apparaissent plus denses qu'en direction des autres régions de leurs pays respectifs. Le destin des deux villes est assez similaire puisqu'elles ont connu toutes les deux une très forte désindustrialisation et un violent déclin à partir des années 1980-90.

Copenhague (photo G.C)

Islands Brygge et Västra Hamnen : question de survie !

 

Dans les deux cas également, ce déclin a été contourné par une forte accélération et une importante implantation des activités tertiaires et de recherches. La désindustrialisation a eu pour effet de revisiter dans l'urgence les canons de l'urbanisme. Les cartes redistribuées associent ainsi une reconquête patrimoniale, territoriale, économique et une vision du futur.

 

Comment, en effet, reconvertir l'immense quartier déserté et abandonné d'une ville et en redéfinir l'espace urbain ?

Turning Torso, Västra Hamnen, Malmö (photo G.C)

Un quartier de chaque ville est devenu ainsi assez emblématique d'une tentative de renouvellement de notre manière de voir et de penser nos modes de vie. Ces deux aventures urbaines possèdent un building caractéristique aisément reconnaissable.

 

A Copenhague, la résidence Gemini conçue par MVRDV (Rotterdam) symbolise Islands Brygge, alors que la Turning Torso due à Santiago Calatrava est l'emblème de Västra Hamnen, à Malmö. Les deux quartiers ont du être reconvertis de A à Z suite à l'effondrement de leur activité économique industrielle traditionnelle qui était leur assise. L'industrie navale, militaire et civile, y était dominante. Certains bâtiments désaffectés ont été rasés, mais la majorité des bâtiments ont été restructurés. Ils ont hérité d'une nouvelle destination à l'instar de la résidence Gemini qui était à l'origine 2 silos appartenant à une compagnie danoise opérant dans l'agroalimentaire.

 

De nombreuses villes européennes, bien évidemment, ont connu des problématiques semblables (Lausanne et le quartier du Flon, Hambourg et l'aménagement de la zone portuaire). Cependant, les deux quartiers sont significatifs d'une vision urbaine renouvelée.

Résidence Gemini : deux silos reconvertis, Islands Brygge, Copenhague

Dans les deux cas, les décisions prises dans le cadre de l'aménagement intégraient des notions tenant compte des flux et des transports, de l'équilibre entre habitat et activité économique (communications et média, recherches et université, qualité des services et valeur ajoutée énergétique et écologique). Au moment de la mise en œuvre, la démarche entreprise possédait un caractère très novateur.

 

De l'équilibre comme vision du monde

 

Le sentiment qui émane lorsque l'on circule à Islands Brygge et Västra Hamnen repose sur une notion d'équilibre. Il n'y a pas de démesure si l'on excepte la Turning Torso, qui est cependant magnifiquement intégrée à son contexte. Il s'agit là de deux belles solutions aux enjeux de l'heure quant aux questions d'urbanité. La dimension humaine est particulièrement bien interprétée dans ce double contexte. S'agit-il d'une notion typiquement scandinave ? En effet, Copenhague comme Malmö sont assez représentatives des villes du Nord.

 

L'architecture comme l'urbanisme se caractérisent par une notion d'équilibre assez standardisée. De la demeure patricienne et du classicisme XVIIIe siècle, qui livrent quelques beaux mais sobres édifices, aux habitats des années 1960-70 d'inspiration fonctionnaliste qui occupent le centre ville comme la périphérie, le sentiment dominant laisse transparaître un égalitarisme assez normatif. Il ne s'agit pas de dire que rien ne dépasse ou ne peut être excessif, être sublime ou disharmonieux, mais globalement l'ambiance dominante est une sorte de minimalisme tonique, fonctionnel et social, assez surprenant en lui-même.

Copenhague 2014 (photo G.C)

La tentative de cité utopique et égalitaire de Christiana, née au début des années 1970, serait en quelque sorte une forme d'apogée ou bien d'excroissance de cette tendance égalitariste. Ce sentiment ne peut pas être perceptible dans des villes situées plus au Sud de dimension comparable, comme Budapest ou Barcelone ou bien encore Bologne.

 

C'est pleinement et sûrement un label scandinave dont la nouvelle génération d'architectes danois donne une pleine et entière mesure à l'instar de Bjarke Ingels qui, à la question de savoir « comment éviter de pratiquer une architecture qui ne soit ni naïvement utopique ni d'un pragmatisme pétrifiant ? », répond que la solution est à chercher dans « une approche pragmatique de l'architecture utopique qui ait concrètement pour objectif la création de cadres de vie socialement, économiquement et environnementalement parfaits ».

 

L'architecte, auteur par ailleurs du pavillon danois lors de l'Exposition universelle de Shanghai en 2010, est bien représentatif de cette quête d'équilibre entre rêve et réalité.

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