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Folk-chlore | mai 2015

 

une chronique musicale à quatre mains de Julien Loisel et Yvon Lesaunier

"Cette machine encercle la haine et l'oblige à se rendre" - "Pete banjo's head"

Photographie du banjo de Pete Seeger - Tome Davis. Licence Creative Commons. 

Nu-folk, indie-folk, pop-folk…

 

 

Il fut courant et il l’est encore très souvent de mettre la folk à toutes les sauces, pour diverses raisons. La vente ? Sans doute. Le renouveau ? Peut-être. Mais quel renouveau? Et d’abord, qu’est-ce que la folk ?

 

La folk music est une “music that is passed on from generation to generation by oral tradition”, “musique qui se perpétue de génération en génération à l’oral”. En anglais toujours, folk signifie également “compagnon”, “gens” ou encore “parents” : on retiendra dans le registre affectif le “That’s all, folks” accompagnant le générique de fin des cartoons Tex Avery. Il semblerait donc que la folk soit une musique populaire, au sens noble du terme, issue d’une tradition de transmission orale et non écrite. “Aux États-Unis, les musiciens folk sont les gardiens d'une tradition musicale, parolière et historique, d'une Amérique de pionniers, bâtisseurs et voyageurs.[...]”

 

Au niveau de l’imaginaire, la folk fait référence à la poésie, à la nature et aux hommes. Grands paysages de l’ouest, construction du chemin de fer, hobos, bohèmes et surtout Gold Rush désabusée, empreinte d’une mélancolie révoltée à la pensée de la souffrance et de la misère qu’elle a procurée au grand nombre, pour le plaisir d’une minorité. La folk raconte des histoires de terres, de chemins et d’individus, et elle s’accompagne - ou non- d’une guitare.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’une guitare ? Il semblerait que l’instrument soit la référence lorsque l’on parle de folk. Mais alors, aucun autre ne pourrait accompagner des paroles traditionnelles ? Au sens américain du terme, le banjo ou l’harmonica peuvent faire le métier. Mais au sens large ?

 

La folk rejoint et complète l’histoire universelle de la fourre-tout “musique du monde” sans doute, même si elle s’en distingue par plusieurs éléments caractéristiques (la liste n’est pas exhaustive) :

 

  • la folk raconte une histoire, de manière relativement factuelle : l’exemple typique est sans doute le tube House Of The Rising Sun de Woodie Guthrie (première version à écouter ci-dessous, même si la mise en musique originelle serait attribuée à Dave Van Ronk). Une maison de joie, à La Nouvelle-Orléans, une vie de bohème, et un destin incertain.

  • la structuration est souvent simple : peu de refrains, mais des strophes régulières et des rimes suivies ou croisées.

  • le rythme est généralement assez lent.

 

Musique d’histoire et de voyage, la folk raconte la vie de ses hommes qui ont sillonné les plaines à la recherche d’une identité. Mais elle n’est pas la seule à raconter une histoire de voyage… Qu'en est-il du Blues?

 

 

“Être un bluesman c’est être deux fois noir” B.B King

 

 

Définir un style musical est chose complexe, car une musique relève rarement d’un genre à part entière. Les styles musicaux s'interpénètrent, s’échangent et se nourrissent sans qu’on sache toujours qui de l’oeuf ou la poule a joué la première note. Mais pour le blues, c’est différent, comme toujours…

 

Le blues fait partie de ces musiques profondément enracinées à celles et ceux qui l’ont petit à petit modelé. Son nom évocateur nous laisse penser qu’il a laissé et qu’il laisse toujours une coloration singulière à la musique. Une trace indélébile qui a marqué les plus grands musiciens dans l’univers vaste du rock. Il est un jalon musical indéniable dont tout le monde se souvient ou veut se souvenir comme d’un temps béni où la musique signifiait quelque chose. Car le blues n’est pas au départ une “création musicale” ad hoc.

 

Le blues tire son essence du gospel et des chants de travail afro-américains, que l’on chantait, comme pour faire passer la pilule. Du dérivé anglais blue devils qui signifie “idées noires”, le blues naît sur les bords du Mississippi dans les champs de coton, entre Senatobia et Clarksdale. Véritable catharsis musicale, le blues a encore le goût de la terre qui l’a vu naître, une terre pleine de sueur et de voyage arraché aux hommes.

 

Musique de transmission orale, le blues se veut éphémère et volatile tout comme ceux qui le pratiquent. Robert Johnson, qui selon les légendes aurait pactisé avec le diable pour jouer aussi bien du blues, sacralise cette génération de “beatniks musicaux” qui sillonne les rues à la recherche d’un toit et d’une identité :

 

“Nous étions sur la route des jours et des jours, sans argent et parfois sans nourriture, cherchant un endroit décent pour passer la nuit. On jouait dans des rues poussiéreuses et des bars crasseux, et tandis que j'étais à bout de souffle et me voyais vivre comme un chien, il y avait Robert tout propre comme s'il sortait d'une église le dimanche !”   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au départ donc, chants d’esclaves dans le coton, musique faite de bric et de broc à l’image du diddley bow, planche de bois à laquelle était fixée une corde ou encore le jug, sorte de cruche en terre dans laquelle on soufflait. Puis l’après-guerre avec son urbanisation galopante et la montée en puissance sur le marché de Fender et Gibson sonne, dans la tribu des bluesmen, le début d’une période d’or.

 

Une période de brassage musical sans précédent que l’on essaye encore vainement d’expliquer aujourd’hui. Le blues y a participé dans une large mesure puisqu’il a favorisé l’essor du Rythm and Blues, du Hard Rock, de la Soul, et de bien d’autres encore. Le blues rejoint donc les plus grands à partir des années 60 en témoigne la programmation du Newport Folk Festival qui consacrera début de ses années folles une large place aux Son House, Skip James, et autres Big Joe Williams. Le blues se professionnalise et trouve sa place reconnue a posteriori sur la planète musique.

 

Un long chemin donc, périple de sueur et d’hommes pour quelques notes de musique arrachées à la terre qui les a vues naître.

 

 

 

Julien Loisel & Yvon Lesaunier

 

 

 

 

 

Voici quelques références qui pourront vous aiguiller. Attention, la plupart sont en VO, mais si vous aimez la musique qui va avec, cela devrait s’écouter comme du petit lait… Bonne écoute!

 

 

 

Concernant le Folk :

 

http://www.faveursdeprintemps.com : Festival de musique folk à Hyères depuis plus de 10 ans.


https://www.youtube.com/watch?v=VMm8_SJ8IlY

 

Ainsi que,

 

https://www.youtube.com/watch?v=F9ZNgpb_NkM&list=PLFyRVoBYkm30QuaXnXZ5Chp4yO0Kuwb8h

 

Deux séries de documentaires de la BBC sur la naissance de la folk music aux Etats-Unis. 

 

 

 

Concernant le Blues :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=iRwXVNt0i3k&list=PL5F4995D0B9D362BB

 

Mississipi Blues : documentaire de Bertrand Tavernier et Robert Parrish. 1983.

 

Du Mali au Mississipi de Martin Scorsese sur les origines du Blues. 2004.

 

Woody Guthrie - songwriter américain du milieu du 20e siècle célèbre pour ses protests song dont la plus connue reste "Deportee". Il a également interprété "House Of The Rising Sun"

 

Licence Creative Commons

Robert Leroy Johnson

 

Licence Creative Commons

"Le peuple du blues"

LeRoi Jones (Amiri Baraka)

Éditions Folio

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