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Le monde en marche ! 
Le voyage à pied, un mode philosophique d’être, de penser
et de voyager

par Franck Michel

 

Qu'est-ce qui satisfait l'âme, selon vous,
sinon la liberté de marcher sans maître ?
Walt Whitman



Si je me déplace sans raison, c’est pour perdre pied.
Blaise Cendrars



Nous ne sommes pas de ceux
qui ne pensent qu’au milieu des livres
et dont l’idée attend pour naître les stimuli des pages ;
notre êthos est de penser à l’air libre,
marchant, sautant, montant, dansant,
de préférence sur les montagnes solitaires
ou sur les bords de mer,
là où même les chemins se font méditatifs.
Friedrich Nietzsche



Un tourisme qui parie sur la marche, quitte à la renommer « randonnée » ou même « trek » pour mieux orienter ou attirer les clients, puise à la source et au sens même du voyage. Maîtresse dans l’art de cheminer et de musarder, la marche est à l’origine du voyage. En effet, le voyage à pied permet autant de retrouver les marques de l’Histoire que les traces des hommes effacées par le passage fulgurant des véhicules à moteur. Marcher requiert à la fois effort et patience, deux vertus occultées dans notre société obsédée de confort et de consommation. Randonner réveille en nous les sens enfouis par le brouhaha des cités et le brouillage des esprits.


La marche préfère les chemins de traverse, et lorsque son itinéraire bifurque pour aller s’engager sur la vraie route, c’est souvent pour devenir un sport. La promenade devient alors une course pour laquelle le culte de la vitesse est primordial. Mais la marche n’est pas toujours un vecteur de pluralité : « Il n’y a qu’une seule façon de marcher… » dit l’adage militaire, repris par les Scouts. Une façon d’avancer dont la cadence traduit l’enfermement. Une variante guère plus appréciable consiste à chantonner pour ne pas perdre le nord ni se décourager : « Un kilomètre à pied, ça use, ça use… », un esprit de camaraderie qui n’empêche pas l’usage tant des souliers que des voix. Cela dit, l’énergie est souvent le nerf de la marche, et – sous la pluie par exemple – le chant tout comme la pensée constituent aussi deux parfaits compagnons de route pour le marcheur.



La marche du monde



Qu’on le veuille ou non, la marche est partout et partout on marche : dans les manifestations politiques ou sportives, dans les défilés de mannequins ou de militaires. Avancer les pieds ensablés dans le Hoggar algérien, traverser la jungle urbaine new-yorkaise ou remonter une rivière les pieds dans l’eau en territoire Asmat chez les Papous, l’acte de marcher nourrit nos déplacements kilométriques. Les situations climatiques et géologiques conditionnent les pieds des randonneurs. La marche lente et mûrie de Théodore Monod dans le Sahara, joliment rapportée dans Méharées (1), contraste avec la marche urbaine, même si le piéton-randonneur peut s’avérer être un flâneur averti. La comparaison ne tient pas la route si l’on peut dire, et les marcheurs d’ici et de là ne marchent par conséquent pas tous de la même façon ! Il y a pourtant bien des similitudes pour des terrains et des publics marcheurs distincts. Randonner c’est davantage se mettre au pas de l’autre que d’imposer sa cadence. C’est la différence entre le soldat qui défile et le badaud qui flâne, l’un pacifie, assure-t-il, par les armes, et l’autre arbore simplement un comportement pacifique. Car marcher au gré de son envie est d’abord une redécouverte de soi-même, une mise en parenthèse de la souffrance du monde et du quotidien qui nous mine.


Le chemin de terre est un terrain de solidarité là où la route asphaltée est un appel à la compétition. Le premier est nourri de sagesse, la seconde d’arrogance. En 1878, Robert-Louis Stevenson parcourt une partie des Cévennes et, rapidement, une forme de recul et de modestie naturellement s’impose : « Après le premier jour, quoique je fusse souvent choqué et hautain dans mes façons, j’avais cessé de m’énerver » (2). N’ôtant rien au spectacle de la nature, au contraire, la lenteur du périple réclame de la patience de la part du pèlerin en vadrouille. Le voyage éveille le sentiment d’humanité pour celle ou celui qui sait en saisir la chance. Admirateur de Stevenson, Georges Picard est un marcheur infatigable qui pérégrine avec bonheur entre la Beauce et les Cévennes. Un marcheur peut même avoir droit aux honneurs : un « sentier officiellement baptisé Stevenson, auquel ont été consacrés un balisage particulier et un guide de la Fédération française de randonnée pédestre » a vu le jour dans les Cévennes ; et dans le village de départ de l’expédition de Stevenson – Le Monastier-sur-Gazeille – une stèle commémore le souvenir de son passage (3). Dans l’intérêt de tous ou presque, le mythe doit aussi être entretenu. D’autant plus qu’une société hyperactive gangrénée par l’idéologie du travail se voit temporairement contrainte – le temps des vacances – de ralentir la rythme, la production, le stress.


La marche vient alors opérer son rôle tant touristique que thérapeutique :
« Voyager à pied signifie s’abandonner à l’espace et au temps » (4) écrit ainsi Emeric Fisset dans L’ivresse de la marche.


L’homo viator est cet homme qui marche – cet être en marche aussi – toujours en quête de lieu et d’identité. La marche nous renvoie à la mère des migrations : il y a deux millions d’années (homo erectus), puis vers 150.000 ans av. J.-C. (homo sapiens), la promenade humaine prend son temps et donc son rythme pour tout de même conquérir le globe en partant du berceau africain. Marcher c’est – en pensant à Leroi-Gourhan qui disait que « l’homme commence par les pieds » – allier le geste à la parole, c’est créer puis développer la liberté de mouvement. La marche nous rappelle la bipédie et aussi ce qu’elle nous a offert : nos mortelles civilisations...


La marche est également liée au plaisir. Toute randonnée se voit écourtée si le promeneur ne ressent pas de plaisir, même dans la souffrance. L’effort du trekkeur est souvent plus une bénédiction qu’une douleur, même si pour certains le promeneur-badaud se transforme bizarrement en martyr volontaire et pas moins acharné sur son sort ! La quête du plaisir est la raison qui justifie la mise en route. D’ailleurs, métaphore de notre existence, la marche nous accompagne tout au long de la vie : l’aventure débute vers l’âge d’un an même si le bébé-marcheur trébuche encore un peu comme l’adulte-poivrot zigzague comme il peut. Car la marche est aussi une démarche : voyez le rouleur de mécaniques ou la fille aguicheuse, tout est dans la démarche, la marche n’est plus qu’un prétexte à la séduction. Une démarche à entreprendre pour que ça marche. 


Des premiers pas chez soi autour de sa chambre aux expéditions pédestres dans les Alpes ou l’Himalaya, il y a un grand pas que les seuils de la vie permettent de franchir. La première vraie balade choque inévitablement l’enfant qui découvre un monde nouveau forcément magique : une fillette, âgée de quatre ans, a fait sa première randonnée sérieuse dans la forêt balinaise ; nulle fatigue physique après deux heures de promenade mais, après le plaisir de la découverte, c’est la déception de voir les pieds de son père envahis, attaqués et ensanglantés, par une quinzaine de sangsues plutôt voraces, ce qui fit dire à la petite fille déroutée : « S’il n’y avait pas de sangsues, et bien j’aimerais vraiment me promener en forêt ». Impossible pourtant de prévoir toutes les bestioles qui peuplent notre univers… Heureusement, la promenade est toujours le territoire de l’imprévu. Dans un monde où tout tend à être planifié, marcher relève de la subversion, ou si l’on préfère, ne pas prendre sa caisse c’est déjà un peu encaisser.  Rien ne sert de marquer sa route, c’est toujours la route qui vous prend, pas l’inverse. Nicolas Bouvier est passé par là et pas toujours à pied !

Avec l’avènement des loisirs pédestres, la marche est devenue une activité à la mode et la randonnée un marché prometteur. Le concept d’itinérance s’impose aux professionnels du voyage comme aux chercheurs qui se penchent sur les nouvelles formes et manières de pratiquer tant les paysages que les itinéraires (5). Aux antipodes des excès de la modernité, le voyage à pied rappelle pourtant la simplicité et l’ascèse, il invite à revenir sur les traces de l’histoire et elle oblige à ralentir nos pas pour mieux nous permettre d’avancer. Elle invite aussi à la pratique d’une philosophie hédoniste. Sous toutes les latitudes, la rencontre est au cœur de l’activité pédestre.

Dans le Dictionnaire explicatif des signes (100 ap. J.-C.), nous dit Wang Yipei, « on recense plus de cent mots sous divers radicaux ayant trait à la marche. Bon nombre d’entre eux ne sont plus usités en chinois moderne ou, s’ils le sont, leur acception est légèrement différente. Ils peuvent désigner diverses qualités de la marche, liées par exemple à la vitesse, à l’énergie déployée, des attitudes comme sautiller comme un oiseau, ou encore des modalités : le fait de voyager seul ou en compagnie, de rencontrer des gens. (…) En chinois, les pictogrammes désignant la transcendance et la délivrance sont étroitement liés à l’idée de marche. Transcender, c’est sauter. (…) Le sinogramme ‘rencontre’ s’écrit avec le radical de la marche » (6). Forme de résistance solitaire non dénuée de nostalgie, la marche est toujours un pas fait en direction de l’autre. Une rencontre avec le monde qui ne peut faire l’économie de l’effort sur soi, voire celle de s’auto-infliger une souffrance volontaire.


David Le Breton l’explique dans son bel Eloge de la marche : « Comme toutes les entreprises humaines, même celle de penser, la marche est une activité corporelle, mais plus que les autres elle engage le souffle, la fatigue, la volonté, le courage devant la dureté des routes ou l’incertitude de l’arrivée, les moments de faim ou de soif quand nulle source n’est à portée de lèvres, nulle auberge, nulle ferme pour soulager le chemineau de la fatigue du jour ». La souffrance se distingue de la douleur par le fait de procurer, ici ou là, lorsqu’on le désire et cela arrive notamment au cours des voyages, une part de plaisir non négligeable à celle ou à celui qui souffre d’abord pour se faire du bien.



Puis l’auteur de poursuivre sur l’aspect extra-ordinaire de l’expérience pédestre : « La marche est une méthode d’immersion dans le monde, un moyen de se pénétrer dans la nature traversée, de se mettre en contact avec un univers inaccessible aux modalités de connaissance ou de perception de la vie quotidienne. Au fil de son avancée le marcheur élargit son regard sur le monde, plonge son corps dans des conditions nouvelles » (7). Comme le signale la majorité des écrivains-marcheurs, la marche est une thérapie, à la fois d’ordre psychologique et physique. Le marcheur gagnerait certainement à être remboursé par la Sécurité sociale, l’Etat devrait y songer, il ferait peut-être, quand à lui, des économies…


Des rêveries de Rousseau aux semelles de Rimbaud, ce sont ensuite Thoreau, Lacarrière, Lanzmann, Sansot et bien d’autres qui nous incitent, en les lisant, à enfiler nos chaussures, sandales ou baskets. N’écrivant bien qu’avec ses pieds, Rimbaud se considérait comme « un piéton, rien de plus », tandis qu’écrire avec ses pieds convenait aussi parfaitement à Nietzsche. Il demeure que la marche a généré de grandes œuvres littéraires et assouvi de troublants maux de notre société.



Sur la route, le sacré surpasse en général le profane, et nombre de marcheurs se cherchent eux-mêmes (ou cherchent à gagner le domaine des dieux pour s’assurer une place au paradis), plus qu’ils ne cherchent le chemin à suivre. Parfois, marcher devient un voyage réellement vertical : gravir les pentes, atteindre des sommets de montagne et de soi, ce trekker trop vertical se transforme alors en alpiniste, et le flâneur en sportif. L’escalade l’emporte au détriment de la découverte. Il n’a plus la démarche qu’on attend du marcheur.

Cette promenade furtive qui est, par exemple, cet éloge de la « marche buissonnière » chère à Jacques Lacarrière sur son Chemin faisant, cette déambulation pédestre qui évoque en chacun de nous « soleil, vent, ciel, horizon, espace » (8). La marche reste pourtant un domaine onirique et mouvant dans un monde saturé d’images et de rationalité pesante.


Frédéric Gros ouvre son ouvrage sur la marche, avant tout perçue comme une philosophie, en soulignant que « marcher n’est pas un sport ». Une précision utile lorsqu’on déambule dans les allées du Vieux Campeur ou lorsqu’on parcourt les brochures des voyagistes « spécialistes » de l’aventure organisée. « On tente bien de faire entrer l’esprit du sport : on ne marche plus, on ‘fait un trek’. On vend des bâtons effilés qui font ressembler les marcheurs à des skieurs improbables. Mais cela ne va pas très loin. Ça ne peut pas aller loin ». Espérons que l’auteur a ici raison car, en effet, le voyage à pied est une expérience qui – ou ne devrait avoir – rien à voir avec une performance.

Et comme le précise encore Frédéric Gros : « La marche, on n’a rien trouvé de mieux pour aller plus lentement » (9). Là, précisément, réside l’une de ses principales qualités sinon performances... Humble car conscient de l’étendue du monde tout autant que de la rigueur des éléments, le vrai marcheur se détache de l’exploit physique (et plus est médiatique) et de toute prétention ostentatoire. L’invisibilité et le retrait sont les conditions de cette modestie.



C’est ainsi qu’on n’est jamais seul lorsqu’on marche puisque celle-ci est intrinsèquement vouée à la rencontre avec autrui. Si la solitude peut se révéler éprouvante elle devient aussi par le biais de l’expérience pédestre une libération, une renaissance, une manière de rallier l’essentiel et se relier à l’altérité véritable. Dans nos sociétés nouvellement figées dans des formes d’immobilisme désormais entretenues par l’industrie de la peur, marcher relève de la subversion, voyager à pied c’est aller de l’avant. A contre-courant.


La randonnée peut aussi se transformer en chemin de croix peu orthodoxe. Au milieu du XIXe siècle, l’anar-flâneur H. D. Thoreau racontait n’avoir rencontré, au cours de son existence, « qu’une ou deux personnes qui comprenaient réellement l’art de Marcher », ce qui n’est pas trop étonnant à la vue des critères retenus selon l’auteur pour prétendre parvenir à cet art : « Si vous êtes prêt à quitter père et mère, frère et sœur, femme, enfant et amis pour ne plus jamais les revoir, si vous avez effacé vos dettes, rédigé votre testament et réglé toutes vos affaires, si enfin vous êtes un homme libre, alors vous êtes prêt pour marcher » (10).



La route vers la liberté est semée d’embûches et le promeneur ne traverse les obstacles que s’il est réellement motivé. La marche est exigeante, le bonheur qu’elle procure se mérite, ce que suggère également Georges Picard dans Le vagabond approximatif : « Je ne marche pas pour rajeunir ou éviter de vieillir, pour me maintenir en forme ou pour accomplir des exploits. Je marche comme je rêve, comme j’imagine, comme je pense par une sorte de mobilité de l’être et de besoin de légèreté » (11). Le but n’est pas de faire trente kilomètres dans la journée ou de faire la traversée des Vosges ou du Morvan, mais simplement de se faire plaisir. C’est tout. Mais c’est déjà beaucoup, trop pour certains…


Selon Henry David Thoreau, qui construira et vivra quelque temps dans une cabane forestière à Walden (Etats-Unis), la marche est d’abord une rencontre avec la nature et une quête de liberté en se retirant du monde comme pour ensuite mieux le retrouver et l’appréhender : « Je suis d’avis que je ne puis conserver ma santé et mes esprits si je ne passe au minimum quatre heures par jour et le plus souvent davantage à flâner par les bois, les collines et les champs, entièrement dégagé de toute préoccupation matérielle. (…) Lorsque nous marchons, nous prenons tout naturellement le chemin des champs et des bois. En effet qu’adviendrait-il de nous si nous cantonnions nos marches aux jardins et aux esplanades ? ».

La rédemption par la marche à pied, c’est ce à quoi aspirent parfois bien des écrivains : « Je marche dans une nature qui est celle que fréquentaient les anciens prophètes et les poètes, Manu, Moïse, Homère et Chaucer. Vous pouvez l’appeler l’Amérique et pourtant ce n’est pas l’Amérique. Ni Amerigo Vespucci ni Colomb ni aucun autre ne furent ses découvreurs. On en trouve un récit bien plus véridique dans la mythologie que dans aucune des prétendues histoires de l’Amérique que j’ai pu lire » (12).

Cette nature que fréquente Thoreau est la même que parcourait un siècle avant lui la poétesse vietnamienne Ho Xuan Huong, une nature insoumise propice à la passion de la vie et aux paroles fortes. Cette femme hors du commun, « enfant terrible » de la littérature classique vietnamienne du XVIIIe siècle, était en avance sur son époque et sur sa société. Profondément attachée à la liberté, elle revendiquait notamment sa vie sexuelle face à la pudibonderie féodale. Elle a mis en vers à la fois l’érotisme et la beauté de la nature : « Femme libre sans mari, sans enfant, amoureuse de la nature et sachant l’apprécier, elle put s’adonner aux promenades. Elle marchait beaucoup à une époque où les lettrés plutôt casaniers se prélassaient sur leur lit de camp ou se faisait porter en palanquin. Elle voyageait comme un homme dans une société où la femme était recluse » (13). Mêler nature et promenade éveille également le sens libertaire sinon libertin de celle ou de celui qui a soif de liberté et d’aventure.


En Europe, Rousseau et le romantisme allemand vont creuser le lien nature-aventure en y injectant art et littérature. Directeur d’un pensionnat au milieu du XIXe siècle, Rodolphe Töpffer est en quelque sorte l’ancêtre des randonneurs encadrés actuels, certes non revendiqué par les principaux intéressés (car pas assez glorieux à leurs yeux). N’est-ce pas lui qui emmena, dans un but éminemment éducatif, les groupes de jeunes s’adonner à la randonnée au cœur des Alpes sauvages ?

Ces Voyages en zig-zag, pédestres avant tout et censés ouvrir l’esprit des élèves dans le droit fil des idéaux du Grand Tour du siècle précédent, annoncent d’ailleurs les colonies de vacances qui seront créées en 1875, l’engouement romantique pour la Mère-Nature ou encore le slogan usité jusqu’à la semelle, avec un relent de scoutisme évident : « Les voyages forment la jeunesse ! » (14). De nos jours, ces réalités d’autrefois trouvent leur continuité, même si la forme en est sensiblement corrigée sans toutefois en altérer le fond : expéditions et camps itinérants, écotourisme, le premier grand voyage comme rite de passage à la fin de l’adolescence. Permettant d’avancer dans la vie, de remettre aussi en cause nos confortables certitudes, la marche est une invitation au voyage et elle répond à l’appel de la route, voire à celui de l’altérité (15).



La marche contestataire



Si marcher, c’est toujours revenir à soi, l’acte de marcher est aussi un appel à l’unité dans la multitude. Marcher main dans la main n’est pas marcher bras levés ou poings fermés et pointés vers le ciel. La promenade romantique n’a rien en commun avec le romantisme révolutionnaire. La marche réfère au mouvement, à la mobilité. Donc à l’action. Dans le mouvement, c’est la société tout entière qui bouge et non le sujet seul. D’où le mouvement social. La marche comme démarche politique. L’homme en action qui marche est un être debout, il refuse de se plier et de se mettre à genoux.

Le sculpteur suisse Alberto Giacometti, célèbre pour ses figurines humano-nomades en bronze et donnant vie à des personnages filiformes et tourmentés, considérait avant tout l’homme en marche avec dignité et sensibilité. Le marcheur est le manifestant par excellence, celui qui proteste contre l’injustice, s’élève contre ou se bat pour, bref celui qui progresse et avance, pas à pas, pour refuser de se taire comme de se terrer. Grandes marches ou petits pas, l’histoire en retient les traces, et les défilés politiques ou les pèlerinages religieux participent également à ce vaste mouvement.

La révolution est l’une des voies que peuvent emprunter ces mouvements. Ainsi, pour l’anarchiste russe Kropotkine, dans un article paru dans Le Révolté du 30 mars 1888 : « La révolution sociale est une route à parcourir, s’arrêter en chemin équivaudrait à retourner en arrière. Elle ne pourra s’arrêter que lorsqu’elle aura accompli sa course et aura atteint le but à conquérir : l’individu libre dans l’humanité libre » (16). Plus d’un siècle a passé et tout indique que soit la route est encore trop longue soit on s’est trompé de route ! La marche sur Rome en octobre 1922 installera durablement le fascisme et, pour rester en Italie, de l’époque du Duce à celle de Berlusconi, le temps semble avoir changé plus rapidement que les idées.

Pourtant, dans la marche politisée, la parabole christique du « lève-toi et marche » (Saint Mathieu), intervient aussitôt que le ras-le-bol s’installe. Celui qui marche est forcément debout (lorsque le marcheur debout s’assied un moment, c’est pour un sit-in), non résigné, non abattu, non servile, et c’est ce qui donne au marcheur en colère toute sa force. Encore faut-il laisser au manifestant la possibilité de marcher et de contester… La colère est liée à l’acte même de partir, de marcher, de se lever, de vivre debout et d’être en mouvement : les manifestations de révolte, en Tunisie puis en Egypte au début de l’année 2011, l’ont démontré une nouvelle fois.

Lorsque les peuples décident de refuser de vivre à genoux c’est en général par la marche qu’ils se frayent d’autres voies, qu’ils se lèvent contre les injustices et s’élèvent contre les oppresseurs en place, forcément sédentaires.


De la rue dépavée à la forêt luxuriante, il n’y a parfois qu’un pas. Car marcher dans la nature n’exclut ni l’action sociale ni la réflexion critique, et souvent loin de tout brouhaha de la Cité on revient plus facilement au mouvement naturel du monde. Gambader l’esprit libre dans les bois est parfois un préalable à l’occupation du pavé citadin…

Dans son évocation poétique de « la Vieille Route de Marlborough », H. D. Thoreau est pris d’une lucide nostalgie sur un univers de liberté en perdition sous les coups de butoir de l’Etat et de ses tendances mortifères. Il ajoute sans grand optimisme : « Pour le moment, dans ce voisinage, la majeure partie du territoire n’est pas propriété privée, personne ne possède le paysage et le marcheur jouit de ce fait d’une relative liberté. Néanmoins, il se peut que le jour vienne où on le découpera en prétendus terrains de loisir, sur lesquels un tout petit nombre seulement goûtera un plaisir étroit et exclusif, lorsqu’on verra se multiplier clôtures, pièges pour les hommes et autres engins inventés pour confiner ceux-ci sur la route publique, lorsque marcher sur la terre créée par Dieu sera interprété comme pénétrer illégalement sur les terres d’un homme de qualité. Jouir d’une chose avec exclusivité revient généralement à se priver du vrai plaisir qu’on pourrait en tirer. Profitons au mieux des occasions qui nous sont offertes avant que ne viennent ces jours maudits » (17). A la lecture de ces propos, on s’interroge sur ce que pourrait bien penser son auteur s’il vivait au troisième millénaire.


Marcher dans le but premier de manifester, c’est aussi barrer la route, installer des barricades, fixer des itinéraires bis ou camper sur les voies de passage. Les grèves de routiers attestent de ce fait. Lorsqu’on arrête le trafic et qu’on immobilise la circulation, c’est tout le cœur de l’économie marchande qui se met à suffoquer. D’où l’importance d’un Ministère des Transports pour une société vouée à la vitesse des échanges et dont le pouls est dicté par l’économie de marché. Sans transports, plus d’acheminements de biens et de personnes, et avec des routes bloquées en permanence, comment le citoyen correctement dompté peut-il encore consommer à sa guise ? C’est tout le piédestal d’un système qui menace ainsi de s’effondrer, et avec lui nombre d’illusions de la société du bonheur marchand. A ne pas confondre avec le bonheur en marchant.

Mais comment comparer la marche avec le marché, le marcheur avec le marchand ? Cela n’arrive plus ou presque : les colporteurs ont disparu ou sont refoulés, mais on peut encore voir des commerçants énervés se mettre en rang de marche pour manifester – ou contre-manifester – leur mécontentement… A chacun sa manif’ !


La mère des marches contestataires porte une date : le 1er mai. C’est la date mythique de la marche sociale, celle qui permet d’avancer pour le peuple et de faire reculer le patronat. Au Salon de 1880, le tableau La grève des mineurs d’Alfred Roll, puis en 1899, la toile La grève de Jules Adler, et bien sûr le roman social Germinal de Zola en 1885, autant de messages de révoltes et de prises de conscience de la misère du monde ouvrier. La marche est alors une solution pour se faire entendre. Le rituel s’instaure, la foule en colère vire au rouge – tout comme les drapeaux en berne – en brandissant des banderoles et des pancartes, en criant des slogans, en chantant des hymnes révolutionnaires, en collant des affiches.

A compter de là, la voie est tracée pour marcher dès que le monde va mal, dès que les intérêts des uns sont fragilisés ou les acquis des autres menacés. La marche devient un rituel ouvrier et un acte militant irréfutable. Ainsi qu’un souci supplémentaire pour les autorités en place. Marcher c’est déjà partir en révolte, et cela indispose l’ordre public : nomadisme rebelle contre ordre sédentaire.

En France comme ailleurs, depuis plus d’un siècle, combien de manifestations, pacifiques ou non, furent réprimées dans le sang ? L’Etat-nation s’approprie rapidement les vertus pédestres des marches engagées en politique autrefois réservées aux révoltes contre l’ordre établi : « Allons enfants de la patrie… » et « Aux armes etc… » ne suivent certes plus la même cadence, mais la volonté des gouvernants de vouloir diriger la marche d’un monde (le leur) ou le monde (celui de tout le… monde), adaptable ou adaptée aux nouvelles convulsions de la modernité, reste intacte.


De la promenade à la manifestation, la marche diffère, et l’histoire nous apprend aussi que celle-ci peut être courte, grande ou longue, anodine ou tragique. Si les marches renvoient certes aux manifestations, au militantisme, à l’acte de protester ou de revendiquer, elles ouvrent aussi la voie aux défilés militaires. Elles affirment et représentent des pouvoirs, le Pouvoir. Marches d’Hannibal sur Rome, de Ramsès II sur l’Empire hittite, de Jules César sur la Gaule, marches des troupes napoléoniennes et plus tard nazies en Russie, etc. Les exemples historiques de marches guerrières ne manquent pas. Des marches peu pacifiques mues par un esprit de conquête avant tout.

La Marche sur Rome de Mussolini n’est pas la Longue Marche de Mao, mais les deux préfigurent la marche vers le pouvoir suprême. On marche de la sorte pour grimper un jour les marches du pouvoir et de la gloire. En une année, de l’automne 1934 à celui de 1935, Mao Zedong a réussi un coup politique de maître tandis que le coût humain de la fameuse épopée fut terriblement élevé. La Chine en sortira grandie, le peuple chinois meurtri : la Longue Marche de l’Armée rouge chinoise est une légende qui se mêle à l’histoire. Cent mille hommes parcoururent entre 8 000 et 12 000 kilomètres, entre Juichin au sud et Wuchichen au nord de l’Empire du Milieu, ne cessant de se battre en cours de route contre des troupes ennemies, plus nombreuses et mieux armées. Mais la persévérance et la motivation ont eu raison de la loi du plus fort, et l’exploit est à la mesure du pays : immense. L’histoire retiendra le chemin parcouru, par les hommes comme pour la Chine, et minimisera les souffrances et les pertes.


Quant aux célèbres marches pacifiques, du Sel de Gandhi ou de la Paix de Martin Luther King, elles font office de manifestations contre le pouvoir en charge des affaires du pays ; elles sont surtout deux immenses témoignages de la force de la non-violence. La Marche du Sel du Mahatma s’est déroulée sur 400 kilomètres entre le 12 mars et le 6 avril 1930. Tout démarre avec une poignée de sel dans la paume de la main de Gandhi qui proteste contre le monopole d’Etat que l’Angleterre impose aux colonisés. Dès le 10 mars 1930, Gandhi dira « nous n’allons pas faire demi-tour », l’essentiel donc, pour ne plus revenir en arrière. D’économique, cette marche mythique devient rapidement politique, accentuant, précipitant même, l’histoire en marche de l’Inde contemporaine.

Quant aux nombreuses marches de Martin Luther King, partant d’Alabama jusqu’au célèbre rassemblement de Washington en août 1963, il est intéressant de relever que son instigateur conviait les marcheurs à tout faire pour ne pas provoquer les gens, promouvant de fait une non-violence toute gandhienne à l’usage du peuple américain en colère. Des marches lentes et silencieuses, pacifiques, pour attirer le plus grand nombre et dans l’espoir de faire avancer le Droit. Pour cela, il fallait donc avancer adroitement et sans provocation… La discrimination recula, effectivement, mais trop lentement, et cette méthode douce n’empêcha pas Martin Luther King d’être assassiné quelques mois plus tard.

Dans la France contemporaine, de la « Marche des Beurs » à la « Marche des Femmes », la lutte contre toute forme de discrimination continue de passer par l’acte de trottiner, non sans résultats probants en bout de course : les associations « SOS Racisme » et « Ni putes ni soumises » sont nées après avoir inlassablement bravé le mauvais temps et battu le pavé dans les quartiers des cités délaissées.


Parfois, on peut s’inquiéter de voir une rue se transformer en route, une ruelle en boulevard, car cela signifie plus de contrôle et moins de liberté (notamment d’expression et de manifestation). Un avion peut même atterrir ou décoller d’une autoroute, au cas où… Et puis les larges avenues permettent de voir loin, tout comme elles permettent le passage, ici des cars de CRS, là des chars d’assaut.

On se souvient de l’image du char arrêté par un homme en juin 1989 sur la place Tienanmen, à Pékin, au moment où la répression féroce battait son plein. Combien de personnes écrasées, piétinées, assassinées, pour un char détourné ? Il m’est arrivé, dans les années 1980 à Lima au Pérou, puis au début des années 1990 – et à nouveau récemment, en mai 2010, lors de la confrontation urbaine entre « chemises » rouges et jaunes – à Bangkok en Thaïlande, de voir à l’œuvre «les opérations de maintien de l’ordre», comme on dit, avec à la fin de l’histoire et au bout de la rue pacifiée, la répression et le silence.

Après les voies de la répression, il existe encore les marches minables, désespérées, et donc souvent héroïsées, telles les deux retraites de Russie, celle des troupes sacrifiées de Napoléon et plus tard celle des soldats perdus de Hitler. Avec leurs milliers de victimes et de disparus. Pour bien d’autres, la route s’avère aussi un tombeau.


Il reste que partout marcher est un acte de liberté. Le poète indien Rabindranath Tagore, dans sa nouvelle intitulée Le Vagabond, met en mots l’itinéraire d’un être libre, retenu par aucune chaîne d’aucune nature, récitant et chantant le long des chemins et des rivières du Bengale (18). Les Bâuls de l’Inde actuelle ou les Roms de partout reprennent cette philosophie chère à Tagore, cheminant librement et luttant pour ce faire contre toutes les discriminations et autres bassesses de la part de ceux qui les entourent et refusent de les voir marcher sur leur territoire…

Il y a des marches qui s’apparentent à des exils, des populations chassées qui forment d’impossibles diasporas. Voilà près d’un millénaire que les Tsiganes – ou leurs ancêtres – auraient fuit le Nord-Est de l’Inde pour échapper à l’esclavage. Une autre « longue marche », rarement évoquée, issue pense-t-on de la déportation des habitants de la ville de Kannauj par le sultan Mahmoud de Ghazni. Héritage de cette « épopée » lointaine, le sanskrit revient – peu ou prou – dans la multitude de langues parlées aujourd’hui par environ douze millions de Roms et de Sintis dispersés au gré de la chance et de la politique sur les routes européennes.


Les marches forcées prennent diverses apparences. Certaines sont plus sombres que d’autres : celles des esclaves noirs d’antan ou des enfants-esclaves d’aujourd’hui, toujours africains et noirs, qui par colonnes humaines avancent enchaînés les uns aux autres à travers la brousse d’Afrique orientale – à la manière un peu des prisonniers, comme par hasard noirs pour la plupart, qui travaillent, eux, le long des routes texanes, dans un autre pays où les Noirs n’ont cessé de marcher, contre leur gré ou pour défendre leurs droits – sous la surveillance des marchands d’êtres humains.

D’autres marches contraintes sont par exemple celles qui ont pour terres d’élection forcée la Sibérie ou l’Asie centrale… Ainsi, le récent film Les chemins de la liberté nous rappelle, au cœur d’un Orient aussi soviétique que carcéral, une évasion vraie qui ne fut pas moins une marche forcée extrême au début des années quarante. Au bout du chemin se trouve souvent la mort, mais « résister » est le dernier et maître mot qui provoque l’étincelle au cœur de la démarche conduisant le marcheur déterminé sur la voie de la survie et de l’espoir.


Il y a enfin la marche finale, celle qui relève de l’indispensable utopie, celle qui convie in fine à un monde meilleur comme le suggérait magistralement, dans Les Damnés de la terre, un Frantz Fanon qui tenta de poser de nouveaux jalons d’espoir : « Nous voulons marcher tout le temps, la nuit comme le jour, en compagnie des hommes, de tous les hommes. (…) Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut tenter de faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf » (19). Les derniers mots de son livre furent également « le dernier mot » de Fanon, ce médecin-militant hors du commun, qui a essayé d’extirper sans relâche la peur de l’autre, est pourtant mort en 1961, à l’âge de 36 ans.

La marche est indissociable de la vie, ne dit-on pas communément « ça marche » pour signifier que cela fonctionne, s’allume, avance ou bouge ? Marcher, c’est refuser de s’arrêter (souvent, « en si bon chemin »), d’éteindre, de s’éteindre aussi, bref de mourir. Marche ou crève. Symbole de la vie, la marche nie la mort. D’ailleurs les fantômes qui parcourent nos cimetières ou nos rêves, ne sont-ils pas des morts en train de marcher, des morts-vivants ?


Symbole ou fantasme d’une flânerie libertaire, la marche reste aujourd’hui l’un des modèles d’une errance active, riche en expériences, dont les sentiers restent inexorablement à explorer. Modèle par excellence d’itinérance durable, la marche est un voyage à visage humain. Marcher c’est avancer avec lenteur et respect sans oublier de penser. Penser sans forcément dépenser, un défi pour le temps présent ! Un acte – peut-être même une forme de tourisme ? – subversif et de plus en plus rare dans dans une société-monde vouée à l’urgence de (sur)vivre.

 

 

Cet article, dans une version légèrement écourtée, est paru initialement dans les Cahiers Espaces. Source : F. Michel, "La marche à pied, un mode philosophique d'être, de penser et de voyager", Les Cahiers Espaces, " Itinérance douce & tourisme " (thème), Paris, n°112, avril 2012, pp. 26-35.

Pour aller plus loin, lire de Franck Michel, La marche du monde. Des routes et des tours, Annecy, Livres du monde, 2012.
Sur l’auteur, voir bio et biliographie complète






NOTES
 

1. Lire T. Monod, Méharées, explorations au vrai Sahara, Arles, Actes Sud, 1989 (1937).
2. R.-L. Stevenson, Voyages avec un âne dans les Cévennes, Paris, Ed.10/18, 1978 (1879), p. 188.
3. G. Picard, Le vagabond approximatif, Paris, Ed. José Corti, 2001, pp. 8-9.
4. E. Fisset, L’ivresse de la marche, Paris, Transboréal, 2009, p. 13. Lire également P. Lemonnier, Le voyage à pied, chroniques de la pérégrination, Paris, Arthaud, 2007.
5. Lire notamment les deux ouvrages suivants : L. Berthelot, J. Corneloup, ed., Itinérance, du Tour aux détours, L'Argentière la Bessée, Ed. du Fournel, 2008, et R. Hurtubise, S. Roy, ed., L'itinérance en questions, Montréal, Presses Université Québec, 2007.
6. O. Bleys, W. Yipei, Le voyage, Paris, Desclée de Brouwer, 2002, pp. 16, 35 et 47.
7. D. Le Breton, Eloge de la marche, Paris, Métailié, 2000, pp. 30-31 et 34.
8. Lire J. Lacarrière, Chemin faisant, Paris, Le Livre de poche, 1977.
9. F. Gros, Marcher, une philosophie, Paris, Carnets Nord, 2009, p. 8. En complément, on lira avec profit et plaisir, M. Jourdan, Le promeneur secret, Rennes, La part commune, 2009.
10. H. D. Thoreau, Désobéir, Paris, Ed.10/18, 1994, pp. 79 et 81.
11. G. Picard, Le vagabond approximatif, op. cit., p. 26.
12. H. D. Thoreau, Désobéir, op. cit., pp. 82, 87 et 89.
13. Huu Ngoc, F. Corrèze, Ho Xuan Huong ou le voile déchiré, Hanoi, Fleuve Rouge, 1984, p. 19.
14. Lire R. Töpffer, Voyages en zigzag, Paris, Hoëbeke, 1996 (1844).
15. Lire F. Michel, Routes. Eloge de l’autonomadie, Québec, PUL, 2009, et Voyages pluriels. Echanges et mélanges, Annecy, Livres du monde, 2011.
16. Cité in J. Préposiet, Histoire de l’anarchisme, Paris, Tallandier, 2002 (1993), p. 278.
17. H. D. Thoreau, Désobéir, op. cit., p. 91.
18. Lire R. Tagore, Le vagabond et autres histoires, Paris, Gallimard, 1962.
19. Cité in F. Maspero, Les abeilles et la guêpe, Paris, Seuil, 2002, pp. 165-166.


 

Vallée de Baliem, Papua

Vallée de Baliem, Papua

Ubud, Bali

Katmandou, Népal

Vallée de Baliem, Papua

Sapa, Vietnam

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