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Chroniques livres

« De toute façon, je voulais sortir,

aller là-haut et voir. » Kenneth White

J'ai relu « La Route bleue » de Kenneth White

par Lionel Bedin

 

 

A l’occasion de la réédition de « La Route bleue » de Kenneth White

aux éditions Le mot et le reste.

Traduction : Marie-Claude White.

Janvier 2013

 

 

 

Dans La Route Bleue, récit de voyage, journal de bord, livre d’une aventure intérieure, le Labrador existe d’abord dans le souvenir de Kenneth White, par les images d’un livre d’enfance. Puis, et peut-être depuis toujours : l’envie d’aller voir.  

« C’est un endroit, non ? Et si c’est un endroit, ça veut dire qu’on peut y aller, il me semble. » Soit. Partons.


« Je quitte la ville de Québec. Route 175 Nord. J’aime cette pure notation mathématique placée entre deux mots lourds de sens. Le calculable et l’incalculable. » Partons pour découvrir qu’ici comme ailleurs, la civilisation, avec ses Livres et ses codes, est capable de changer le nom d’un lac. Peut-être ce lac avait-il été nommé le lac des Vagues bleues par des gens qui le connaissaient bien. Et puis des missionnaires sont passés par là. Le lac est devenu le lac Saint Jean. « Rien à voir avec la réalité perçue dans toute sa beauté. »

 

Les missionnaires ont toujours été les ennemis des nomades, rappelle K. White. Qui poursuit sa route avec ses compagnons fantômes : Coleridge, Thoreau, Melville, Bashô, Jacques Cartier et les explorateurs du XVIème siècle. Avec également les indiens et ceux qui se donnent le nom algonkin d’Innut, les êtres humains.

 

Kenneth White s’immerge facilement dans la vie locale. Il rencontre beaucoup de gens, discute, est invité à un mariage. Autant d’occasions de comparer les écarts entre civilisations, et les ravages de la modernité : « Chaque fois qu’un espace vide se présente quelque part, au lieu d’y voir une occasion d’approfondir notre sens de la vie, nous nous empressons de le remplir de bruit, de jouet, de culture. » Et de décrire aussi « le soleil blanc du Labrador qui brille maintenant à travers les nuages gris. »


Et la route bleue. Mais qu’est-ce qu’une route bleue ? Pour Kenneth White, c’est le bleu du grand ciel, le bleu du fleuve (le Saint Laurent), le bleu de la glace. Les silences bleus du Labrador. Mais « la route bleue, c’est peut-être tout simplement le chemin du possible. » Aller aussi loin que possible, « jusqu’au bout de soi-même, jusqu’à un territoire où le temps se convertit en espace, où les choses apparaissent dans toute leur nudité et où le vent souffle, anonyme. »

 

De toute façon un seul adage : « quand tu arrives au bout de la route, continue à marcher. » Pour « s’ouvrir à l’univers », pour « écouter le monde. » Un vrai livre de voyage, une vraie littérature du dehors.

 

 

 

 

Les premières lignes :

« Un œuf tourné, toast, café ! Là dehors, Montréal. Les rues et le fleuve. J’en entends la rumeur. Et là-bas, tout au fond, vaste beauté qui dort, le Labrador. Sitôt mon petit déjeuner terminé, je commence à m’enquérir du Labrador. Au Voyageur Terminus, je décroche l’un de ces téléphones qui donnent des renseignements et, comme si j’avais onze ans, je demande : S’il vous plaît, comment est-ce qu’on va au Labrador ? » 

 

 

 

 

 

Kenneth White, né en Écosse, vit en France depuis 1967, où il a publié ses premiers textes. Il est l’auteur d’une œuvre féconde – poésie, essais philosophiques, récits de voyages – écrite pour une part en anglais pour une autre en français. Il est à l’origine du concept de nomadisme intellectuel et fonde l’Institut international de géopoétique en 1989. « La Route bleue », originellement parue aux éditions Grasset en 1983, a reçu la même année le Prix Médicis étranger.

 

 

 

 

Chronique publiée en janvier 2013

sur le site www.ecrivains-voyageurs.blogspot.fr  


 

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