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Ecrire, dire et prédire l’enfer

aux assassins de la liberté

Eloge de la liberté d'expression

 

par Franck Michel

 « Aucun écrivain n'est arrivé à saisir le malaise économique qui gangrène notre époque comme lui », écrivait Bernard Maris, dans son livre Houellebecq économiste.

Bernard Maris, alias « Oncle Bernard », économiste, chroniqueur (à Charlie Hebdo notamment), enseignant et journaliste, a été assassiné lors de l’attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo, perpétré le 7 janvier 2015, soit le jour même de la sortie du roman Soumission de Michel Houellebecq.

Le dernier dessin paru de Charb (dans Charlie Hebdo, 7 janvier 2015)

En France, 2015 commence tragiquement avec la fin du suicide et le début de la soumission, c’est du moins ce que tendent à nous faire croire de récents écrits, du plus abject au moins pire. L’année commence même avec l’assassinat d’une dizaine de journalistes et de dessinateurs.

 

Les temps ont bien changé : on braquait jadis des banques mais aujourd’hui on les sauve de la banqueroute ; on braque aujourd’hui la rédaction d’un journal, on y assassine d’ardents défenseurs de la liberté de la presse… que plus personne ne semble plus ni savoir protéger ni pouvoir sauver. Du sacre de l’argent on est lamentablement passé au massacre de la liberté. Du minable Dieu-Argent à l'abominable Dieu Tout-Puissant. 

 

Le 7 janvier 2015 restera la date de sortie officielle du nouveau roman de Houellebecq intitulé Soumission et plus encore celle de l’attentat le plus meurtrier que la France ait connue depuis plus de quarante ans. Dans un tel contexte mortifère, les gars de la marine n’ont plus besoin de paquebot vieillissant puisqu’une immense Armada venue de tous les horizons semble déjà entièrement mise à leur service…

 

L’islamophobie est en vogue, le repli sur soi prime sur l’ouverture à l’autre. Les étrangers, les marginaux et tous les libres penseurs devront se serrer les coudes s’ils ne veulent pas préparer leurs valises ou leurs cercueils. Les boucs-émissaires contraints de se planquer sont presque aussi nombreux que les truands et les flics qui défilent dans les rues. La fatalité n’est pourtant pas de ce monde. « Impossible n’est pas français » rappelle l’adage (un peu désuet c’est vrai), on se cesse de le dire voire de s’en vanter… même si on ne le pense plus du tout.

 

Notre époque trouble devrait mettre de l’ordre dans ses idées. Dans les idées. Pas dans les rues. Le constat, s’il n’est pas fatal, s’avère brutal. Et en ce début d’année, il y a de plus en plus d’ordre et de moins en moins d’idées. Un ordre qui n’a jamais été aussi proche d’un désordre. Il existe des désordres formateurs et salutaires, mais il en existe aussi d’autres, ceux qui pullulent de nos jours, qui sont réactionnaires et funestes, religieux et extrémistes.

 

Il nous faudrait aujourd’hui un désordre créateur et humaniste, propice à l’avènement d’autre ordre mondial. On en est loin, mais il faut poursuivre cette route aussi. C’est un problème qui ne pourra pas toujours se résoudre en partant, en voyageant… Même à La croisée des routes, on peut parfois, quand il le faut, poser son sac, pour défendre – avec une simple plume comme arme de poing et en toute modestie – les partisans de la liberté de presse et donc de la liberté tout court.

 

Pour terminer, et en citant celui par qui j’ai commencé, voici ce que Bernard Maris – assassiné le 7 janvier 2015 par la barbarie d’extrémistes plus fous que religieux – écrivait dans son indispensable Antimanuel d’économie : « Officiellement, il n'y avait plus de dieux. Mais tout s'est passé en fait comme si l'argent avait été divinisé »…

A méditer.

Le dernier dessin paru de Cabu (dans Le Canard enchaîné, 7 janvier 2015)

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