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​"Tout le monde ressent que nous sommes dans une impasse. 

Les Inuit, comme d’autres peuples « racines », le sentent et veulent apporter leur pierre pour contribuer à une prise de conscience collective."

Entretien avec Jean Malaurie

Réalisé par Aude Créquy et Franck Michel - 24 mai 2013

Tableau de la collection du Musée de Saint Petersbourg D.R. (photo Franck Michel)

« Si l'intelligence n'est pas au service d'une action,
n'essayez pas de la mettre dans des écrits.
Les écrits ont un rôle, une fonction.
On n'écrit pas n'importe quoi, ou dans ce cas,
il vaut mieux faire autre chose !
Personne n'est condamné à écrire des livres.
Les écrits résolument engagent ».

 

 

Anthropogéographe et écrivain, fondateur et directeur de la prestigieuse collection « Terre Humaine », interprète et défendeur des peuples arctiques depuis plus de six décennies, Jean Malaurie est venu à Strasbourg les 23 et 24 mai 2013, pour recevoir la Médaille de la ville de Strasbourg et lancer un appel depuis la tribune du Conseil de l’Europe. La cité rhénane et néanmoins capitale européenne a tenu à honorer le parcours exemplaire de celui que Michel Le Bris a qualifié, dans son Dictionnaire amoureux des explorateurs, comme étant « le dernier des géants ».

Jean Malaurie est également un immense explorateur qui, au cours d’une trentaine d’expéditions polaires, le plus souvent en solitaire, a arpenté de multiples lieux occultés, sacrés ou secrets, au Canada ou en Alaska, dévoilant notamment l’existence d’une base nucléaire américaine ultrasecrète au Groenland et décryptant pour le grand public une mystérieuse « Allée des baleines » dans la lointaine Sibérie, une fascinante découverte d’un véritable Stonehenge des peuples arctiques. La planète des découvreurs n’oubliera pas non plus qu’il fut le premier homme à atteindre, le 29 mai 1951, le centre du monde, à savoir le pôle géomagnétique.

A 91 ans, Jean Malaurie fait figure de sage, tant par la production scientifique à son actif que par sa riche expérience de la spiritualité et de la philosophie des Inuit. Ces derniers, qu’il appelle parfois les « Bédouins du Nord », sont les dépositaires d’une société riche, égalitaire et joyeuse. Les Inuit, selon les mots de l’anthropologue qui a partagé une grande partie de sa vie en leur compagnie, sont les architectes d’une société « anarcho-communiste » dont les valeurs humanistes ont été terriblement mises à mal ces dernières décennies sous les effets délétères d’une mondialisation prédatrice et non maîtrisée. Pour tenter de formaliser les recherches sur les peuples arctiques et ces régions polaires, il fonde en 1957 le Centre d’Etudes Arctiques, et la revue Inter-Nord qui dès lors matérialisera nombre de travaux sur le papier.

Bien plus tard, conscient de l’importance vitale de la formation – notamment des élites groenlandaises et sibériennes – Jean Malaurie est en 1991 à l’origine de l’Académie polaire de Saint-Pétersbourg, dont il a été nommé président à vie. Il crée à Paris, en 2010, l’Institut Français de Recherches et d’Etudes Arctiques. Il se rend en 2009 au Groenland, en qualité d’Ambassadeur de bonne volonté auprès de l’Unesco, dans le but d’inaugurer un institut local et de promouvoir la formation des jeunes groenlandais ; profitant de cette occasion, il découvre et visite sur place le « Musée Jean Malaurie », réplique de sa modeste demeure quand il résidait dans le district de Thulé au tout début des années 1950.

 

Jean Malaurie a 28 ans lorsqu’il atteint la première fois les côtes groenlandaises le 3 juin 1948, c’était il y a très exactement 65 ans, quasiment au jour près. Pour l’anthropogéographe comme pour les Inuit, le sens de l’hospitalité n’est pas un vain mot. Il n’a eu de cesse, tout au long de ses années de recherches et de combats, avec une détermination sans faille qui inspire profondément le respect, de valoriser ces peuples « racines ». Des populations qui ne sont pas en arrière de l’histoire mais « en réserve » pour nous préserver en quelque sorte du pire et d’abord de notre prétention occidentale à vouloir dominer le monde.

Invité en cette fin de mois de mai à Strasbourg, dans le cadre du festival Cultures de Paix – deux mots, « culture » et « paix », qui résonnent particulièrement forts aux yeux de Jean Malaurie –, l’anthropologue a également souhaité lancer un appel solennel à la Communauté internationale – et tout spécialement russe et européenne – pour aider les populations autochtones du Grand Nord et protéger la zone arctique des fortes ingérences économiques et géopolitiques de notre époque.

Franck Michel : Bonjour Jean Malaurie. C’est avec un réel plaisir que nous allons nous entretenir pendant une heure avec vous. Aude Créquy et moi-même sommes anthropologues et travaillons notamment sur l’anthropologie du tourisme, des voyages, des mobilités et du nomadisme. Si Aude s’intéresse précisément au Groenland, région qui vous est chère comme on sait, mon terrain depuis près de 25 ans est à l’autre bout du monde, en Asie du Sud-Est, en Indonésie notamment.

Jean Malaurie : Alors, vous travaillez sur le voyage des Occidentaux ou sur celui des autochtones ? Tourisme ou nomadisme ? L’industrie du voyage ou les populations autochtones ?

FM : A la fois l’univers du tourisme et des voyages mais aussi les réalités du nomadisme – et aujourd’hui de la mondialisation, dont le tourisme est l’une des composantes et manifestations – chez les autochtones, sans oublier les impacts, qu’ils soient d’ailleurs positifs ou négatifs, du tourisme international auprès de ces mêmes populations ou minorités. Voilà, nous nous intéressons donc forcément à l'industrie du voyage et à tous les problèmes qu’elle génère, et nous voulions…

JM : Excusez-moi, mais quel âge a cette étudiante, cette doctorante ?

Aude Créquy : 29 ans.

JM : Je peux l'interroger ? Et vous êtes d'origine ?

AC : Française.

JM : D'où ?

AC : Je suis née à Charleville-Mézières dans les Ardennes mais j'ai grandi à Toulouse.

JM : Et vous êtes d'une famille d'enseignants ?

AC : Non, d’agriculteurs.

JM : Agriculteurs ? Dans les Ardennes ? Je me souviens d’un livre très mauvais d’un Allemand, ancien SS, sur l'agriculture des Ardennes, un ouvrage qui à l’époque montrait tout le mépris des Allemands pour le peuple français. L’auteur provenait d’une famille d'aristocrates catholiques, comme ils disaient, et en fait ils étaient « naturellement » nazis. Je ne connais pas l'agriculture de votre pays mais j'ai publié René Dumont, éminent écologiste et agronome réputé, dont la famille a été je crois des Ardennes. Lisez René Dumont dans la collection « Terre Humaine », je l'ai publié, ça s’appelle Mes combats. Et sa lecture pourrait vous intéresser. Plus récemment, dans ce même esprit et au sein de la même collection est paru le livre de Jacques Brosse, Itinéraire d’un naturaliste zen, retour à l’origine, l’auteur pratiquant au demeurant assidûment le bouddhisme zen, est à la fois naturaliste, philosophe et historien des religions.

FM : Parlons, si vous le voulez bien, un peu des Inuit. Vous dites souvent que ces « hommes exemplaires » furent vos maîtres. Ce sont eux qui vous ont contraint, au fil de vos rencontres et de vos recherches, à aller « au bout de votre identité ». Que vous ont-ils apporté au juste ? Ensuite il y a votre cheminement, celui qui va de la pierre à l’homme, mais aussi celui qui conduit de l’horreur de la Guerre mondiale sur le sol français aux lointains confins du Grand Nord ?

JM : Premièrement, je suis un homme de la guerre. J’étais réfractaire et pendant un an recherché par la police, pour des raisons d’ailleurs que je n'ai pas très bien comprises (ce qui a contribué au fait que ma mère, qui était tous les quinze jours interrogée et harcelée, allait mourir d'une attaque cérébrale). C'était une époque très difficile. J'ai essayé de gagner l'Espagne et le Maroc, mais n'y suis pas arrivé. Je préparais le concours de l'école normale supérieure (ENS) et, seul, j'ai pris cette décision : refuser le STO et devenir réfractaire. Parce que vous, qui êtes bien plus jeunes, vous ne savez pas ce qu’est l'installation de la terreur. Dans le lycée, nous ne nous parlions plus. Chacun avait son orientation. Né en 1922, sur les bords du Rhin à Mayence, je suis de la même génération que Jean d'Ormesson. D'Ormesson n'était pas mobilisable, il était de 1925, ça se jouait à quelques années seulement. Pendant cette année d'isolement en France, il a fallu vivre et avoir notamment une carte d'alimentation, c’était très difficile...

​Je me suis posé la question « à quoi sert l'intelligence ? ». Si l'intelligence n'est pas au service d'une action, n'essayez pas de la mettre dans des écrits. Les écrits ont un rôle, une fonction. On n'écrit pas n'importe quoi, ou dans ce cas, il vaut mieux faire autre chose ! Personne n'est condamné à écrire des livres. Les écrits résolument engagent. On a fusillé Robert Brasillach en février 1945, c'était pas mal. On aurait pu en fusiller d'autres et on en a d’ailleurs fusillé. Même un vieux monsieur, qui s'appelait Paul Chack, il avait 78 ans, a été fusillé en janvier 1945.

 

Comment se fait-il que, dans cette période très difficile, aucune grande voix de l’Académie française, Paul Claudel, Paul Valéry, etc., je ne vais pas vous faire toute l’Académie... Pas un mot. C'est pourtant plus de 600 000 jeunes qui sont partis et qui s'ajoutent à presque 2 millions de Français. C'était épouvantable. Il y a là abus de pouvoir, et du gouvernement de Vichy et de l'Allemagne. Les écrivains, pas un mot non plus. L'Eglise, pas un mot. Non seulement pas un mot, mais qui plus est, le Cardinal Alfred Baudrillart bénissait les drapeaux de la Légion française de l'époque de Vichy. J'ai donc réfléchi, parce que je suis un homme tout simplement, c'est ma marque humaine à mon avis, doué de préscience. Sinon, je n'aurai pas survécu avec des Inuit qui sont très cruels dans un pays extrêmement difficile.

 

J'ai compris que l'Occident était en train de disparaître. Il a perdu son sens moral. Le nazisme, c'est une horreur mais, tout de même, les Anglo-Saxons n’ont pas été très clairs durant la Seconde Guerre mondiale. Du Traité de Versailles en 1919 à la veille de la guerre en 1939, les Anglais n’ont guère soutenu le réarmement de la France devant la menace allemande. Heureusement, Churchill allait venir sur le devant de la scène.



J'ai pris conscience qu'il y a une perte d'autorité intellectuelle de cet Occident si prodigieux – avec Goethe, Voltaire, Rousseau – et j'ai voulu reconstruire mon intelligence avec d’autres gens et auprès d’autres cultures. Je suis d'une culture janséniste. J'ai voulu choisir et rencontrer un peuple très rude, très cruel. Je ne peux pas aller plus loin au Nord, je suis allé le plus au nord possible, tout près du pôle. C'est ma première décision intérieure.​

Ma deuxième décision, c'est que je ne veux pas être dominé par ma sensibilité, qui est très grande. S'il n'y a pas de sensibilité, ce n’est pas la peine de parler des peuples « primitifs » qui sont d'abord des peuples sensibles. Sauf que ma sensibilité, j'ai voulu la dominer. J'ai souhaité devenir un homme de science. Je me suis spécialisé dans la pierre. Ce sont des questions que vous, anthropologues, malheureusement ne connaissez pas. L'anthropologie ignore la géologie, la météorologie, bref, vous ignorez la géographie physique. Cela n'a pas de sens, mais c'est comme ça ! L'anthropologie, pour moi, est mal construite… mais ce n'est pas ici l'objet de la question.

Moi, j'ai voulu me construire. J'ai donc choisi, dès le cadre de ma thèse, un problème en géomorphologie, un sujet compliqué qui est la propagation de la température dans les roches, la géomorphologie et son éclatement. Ce sont des problèmes compliqués qui m'ont passionné pendant 14 ans. Mon livre le plus important, qui est ma thèse et que je vous invite à lire, s'appelle précisément Thèmes de recherche géomorphologique dans le Nord-Ouest du Groenland. Je me suis alors orienté vers un problème qui est en principe insoluble, celui de l'éboulement.

​L'éboulement, c'est les pierres qui tombent les unes sur les autres en désordre. J'ai voulu m'affronter à ce problème : le désordre. C’est là que je découvre l'ordre, c'est-à-dire que la nature ne supporte pas le désordre, elle veut l'ordre. J’ai ainsi mis en valeur un écosystème qui s'appelle l'éboulis. Je suis un très grand spécialiste de l'éboulologie. C'est moi qui l'ai créé ce domaine. Je suis un éboulologue ! En vérité, l'éboulologie n'est pas une petite chose. Pour réaliser ce travail qui ce n'est pas facile, il faut constamment faire des mesures, avec un grattoir, avec un microscope, etc. Là résidait mon envie de recherche. Je suis parti dans le Grand Nord pour cette raison, mais inconsciemment, ce sont les hommes qui avant tout m'intéressaient. Cependant, ce n'était pas le but initial.

 

Le but... c'est difficile, une pensée se construit très progressivement, avec lenteur et patience. Vous êtes une jeune femme et vous travaillez sur le Groenland et les Inuit, vous allez donc sur place : pourquoi, comment ? Vous avez des ancêtres agricoles dans un pays difficile (les Ardennes) avec des hivers longs. Le pays n'est pas très riche. Pourquoi ? De mon côté, j'ai vécu une anamnèse et, peu à peu, j'ai découvert les Inuit. Eux, de leur côté, ont découvert que j'étais un « primitif ». Le livre que je termine en ce moment me parle beaucoup plus que mes ouvrages précédents.

J'ai vécu dans des conditions terribles, c'est un pays où il fait -40°, -50°, je suis avec des hommes qui tuent. Deux fois, ils ont essayé de me tuer et je suis seul. C'est très facile de tuer quelqu'un. Ils sont souvent violents mais ils m'ont peu à peu, et c'est là où c'est passionnant, révélé qui j'étais réellement. Les Inuit sont très pragmatiques. Ils ont compris qu'un malheur allait les frapper… Regardons autour de nous. Encore hier, un citoyen s’est fait égorgé en public à Londres [un soldat anglais a été sauvagement assassiné par des individus se revendiquant de la mouvance islamiste radicale, un acte jugé comme un « attentat terroriste » par les autorités et suivi par des manifestations violentes diligentées par des mouvements d’extrême-droite], la situation générale n’est pas bonne, on sent bien que ça va changer. Tout le monde ressent que nous sommes dans une impasse. Les Inuit, comme d’autres peuples « racines », le sentent et veulent apporter leur pierre pour contribuer à une prise de conscience collective. Cela, je l’ai remarqué il y a longtemps, dès l’année 1950, une date charnière. C'est au début, une action chamanique que j'ai subie, dans ce but, par un grand chaman. Et puis, lorsque je repense à cette base américaine secrète, offensive et nucléaire, au nord-ouest du Groenland en 1951, cette tête de pont stratégique vers Moscou et Pékin en pleine période de guerre froide, un cauchemar… Cette base est d’abord extrêmement mal située. Je me souviens être allé voir, avec deux Esquimaux, le 18 juin 1951, le général en charge. L’armée nous laisse passer, on a le fusil et le traîneau à chiens. Unique témoin étranger de ce qui se passait ici, il me fallait témoigner. C’est ce que j’ai fait dès mon retour.

 

Avant cela, et pendant un an, les Inuit m'ont changé, pas instruit, mais transformé. Ils ont réveillé en moi ce que j'étais. Je suis chrétien d'origine, et au demeurant, les Inuit ne sont pas contre l’idée de la religion monothéiste, mais il y a la pierre. Il y a la matière qui parle… Peu à peu, je me suis considéré comme l’un des leurs, peu à peu ils m’ont adopté. Cela a pris beaucoup de temps. C’est maintenant seulement que je sais qui je suis. Progressivement, j'ai vu, et ma vie est très longue..., au cours de mes nombreuses expéditions, qui nous sommes véritablement.

En découvrant « l'Allée des baleines », dans ce berceau boréal des Inuit dans le détroit de Béring, j'ai rédigé un petit livre qui est la clé de ma pensée [ce petit livre, initialement paru en 1999 aux éditions Mille et une nuits, va reparaître bientôt avec 40 pages supplémentaires]. J’y ai découvert, en effet, par le biais d’une approche anthropogéographique, que dès le XIVème siècle, les Inuit avaient une vision du monde pertinente, avec le soleil, la lune et les étoiles. Tout ça au XIVème siècle, c'est très compliqué. Ils ont édifié un temple, telle une « Delphes de l’Arctique » ou un Stonehenge sibérien ! C'est très extraordinaire. Qui plus est, pour ne pas perturber la population de Strasbourg, hier lors de mon discours officiel à la Mairie, je n'ai pas dit que probablement l'homosexualité a joué un rôle capital dans la formation de ces hommes car il n'y a eu que des hommes et l'homosexualité en Tchoukotka a ensuite été durement réprimée, les hommes pourchassés, durant toute la longue période soviétique. Ils ont sans doute été très affectés par cette violence officielle…

Cette analyse montre qu'ils ont une vision spirituelle. En étudiant sur le site de « l’Allée des baleines » la répartition des pierres et des mâchoires, il y a un rapport évident entre les mondes arctique et asiatique ; donc je bouscule toute une pensée qui est stalinienne pour aller lorgner du côté de la Chine. Ces liens restent à creuser et à étudier. Tous les peuples qui sont passés par le détroit de Béring ont été marqués par le taoïsme. Cette anamnèse a permis de mieux me comprendre. Pour les Inuit qui veulent écrire, il y a une réflexion plus profonde à mener, et dans l'action politique que je conduis en leur faveur, j'ai vu leur résistance. Ils sont très conservateurs. Le système scolaire ne fonctionne pas.

En ce qui concerne plus directement le Groenland, il n'y a plus de véritable liberté. Sur le plan des études, ils n'arrivent pratiquement pas au master, et c'est la même chose au Canada et dans l'Académie polaire que j'ai fondée et que je dirige en Russie. J’ai tenté d’adapter les formations et d’encourager la recherche auprès de la jeunesse arctique, car la formation est fondamentale pour ces peuples. Seuls les Soviétiques ont essayé, mais à leur manière. Un socialiste croit au progrès. On assène aux populations administrées : « Soyez d'abord éduquées, sachez lire et écrire. On parlera après ! Non, répondent les minorités. Nous avons nos propres cultures ».​

Personne en Occident ne comprend vraiment ça. Que ce soit l'Ardennais ou le Breton, s'il ne sait pas lire et écrire en français, il est perdu, et ça continue comme ça ! Il y a une pédagogie qu'il faut absolument inventer et l'Unesco, dont je suis ambassadeur, a manqué cette cooptation, cette mission. Nos « colonies » ont toujours cherché à intégrer la langue française, pourtant il existe bien une culture sénoufo, une culture bambara, etc. Qu'est-ce qu'il faut faire ? Si la population comprend que vous voulez la changer, elle apprendra à lire et à écrire mais elle sera stérile et c'est souvent le cas. Ne vous étonnez pas qu'il n’y ait pas de grands médecins ou de grands physiciens groenlandais. Certes, il y a des pasteurs groenlandais, des instituteurs, des hommes politiques, mais il n'y a pas de penseurs…

FM : Mais avec l'autonomie, avec l'indépendance bientôt en vue, ça bouge un peu non ?

JM : Non, d'abord il y a ce virus terrible. Et puis il y a nous. Les gens sont ou se perçoivent comme des Danois. Donc, compte-tenu de cet imbroglio identitaire, c'est un problème très difficile. Ici, c'est l'histoire de l'humanité qui se déploie. Vous rentrez dans de grandes problématiques d'histoire globale, et il faut les regarder comme telles. Voilà ce que je peux répondre.

 

​Les Inuit m'ont appris à réfléchir sur l'amitié et l’hospitalité. Ils m'ont appris la sérénité qui est une grande qualité. Il faut méditer, être silencieux, peu à peu se « naturer » pour reprendre l'expression de Rousseau. Là je retrouve des pensées chinoises, shintoïstes. Progressivement, ce peuple de Thulé, mais je pourrais aussi parler des peuples de Béring, m'a conduit à cette sérénité qui n'est pas bouddhiste, plutôt confucéenne, de sorte que je suis une âme apaisée. Leur résistance à nous vient de là. De tout temps, ils nous considèrent comme très médiocres.

 

J'ai publié un livre, je pense un de mes meilleurs livres qui est Ultima Thulé (1992), un livre d'explorations que vous avez lu. Ce qu'ils ont vu des Blancs est indicible. Je ne suis pas un grand explorateur de l'histoire. J’ai souvent voyagé seul, au grand étonnement d’ailleurs de mes amis inuit. Les Blancs et les grandes expéditions menées – chose totalement absurde ! – ne voulaient pas comprendre les peuples autochtones ni accepter les conditions rudes des lieux.

Premièrement, ils ne partaient pas avec des chiens. Pour les Anglais, c'est très mauvais de fouetter un chien. Ce sont par ailleurs des marins qui viennent d’un pays peuplé d'aristocrates, alors évidemment, une expédition est pour eux effrayante ! Deuxièmement, les conserves et le scorbut ! Alors qu'ils n'ont qu'à regarder les dents des Esquimaux qui sont magnifiques, et de constater leur bon état de santé. Ils ne voient pas que la solution réside justement dans le phoque qui est là.

Les Esquimaux me disent :  « Mais est-ce qu'il y a du bon sens chez eux ? », question de bon sens évidemment… Contraints de se mettre au service des explorateurs, notamment pour procéder à des mesures, obligés de suivre leurs ordres, les Inuit ont vu très vite que les nouveaux arrivants occidentaux face aux divers périls étaient nuls. Ils ont ressenti beaucoup de mépris. Il a fallu attendre Knud Rasmussen, pour entendre parler autrement du Groenland, et que les explorateurs deviennent plus inuit. Rasmussen a eu ce génie. Mais entre-temps, un siècle est passé.

FM : Vous l'aimez bien Knud Rasmussen. Vous lui avez notamment rendu hommage dès le début de votre livre Les derniers rois de Thulé (1955) ?

JM : Oui, Rasmussen a ouvert une voie. Mais je réponds encore à votre question précédente, car derrière les problèmes techniques il y a une pensée. Avec Lévi-Strauss, nous avons débattu de la pensée sauvage que nous avons tenté de décrire. Cela n'a pas été facile vous savez. J'ai participé à des entretiens avec Jean-Paul Sartre qui disait à Lévi-Strauss : « Platon, chez Malaurie, n’est pas très présent chez les Esquimaux »… Pas de discussion possible. Les peuples arctiques ou   « racines », ça ne l'intéresse pas. Cela n’intéresse d’ailleurs pas la plupart des philosophes occidentaux. Il n'y a pas compréhension, mais mépris et oubli.

 

​Je crois que l'Occident est en perdition car il ne sait pas le trésor qu'il y a dans ces peuples dits primitifs, tout comme dans le peuple français. Par exemple, le peuple rural français des Ardennes, ces agriculteurs, a une richesse de pensée. Je la révèle dans la collection « Terre Humaine » avec ce livre coup de tonnerre qui s'appelle Le cheval d'orgueil, de Pierre-Jakez Hélias (paru en 1975), qui traite d’abord du pays bigouden. Il va reparaître prochainement avec une préface terrible d'un Breton, ainsi qu’avec une postface encore plus terrible de moi ! L’affaire... c'est ce village de Pouldreuzic. C'est une affaire très grave. Le pouvoir, sous Giscard je crois, décide d’accorder des crédits très importants pour les sciences sociales qu'on dit un peu minorées… Sous l'influence du docteur Gessain, on crée une commission pour étudier un village, scientifiquement. On choisit un village qui s'appelle Pouldreuzic, un village de Bigoudens. Arrivent quarante personnes, fleuron de l'intelligence française. Pendant trois heures, elles se sont engueulées. Passe un certain temps. Il se trouve qu'un dénommé Jean Malaurie, ayant regardé à la télévision un homme parler, a dit à son entourage « voilà le livre que je cherche ». J'ai écrit à Pierre-Jakez Hélias qui n'avait pas été interrogé par ces messieurs assermentés. Plus tard, coup de tonnerre quand sort le livre. J’ai quasiment détruit nombre d’idées-reçues sur ce qu’ils appellent  « l'étude des hommes français ». C’est à rire. Mais aussi à en pleurer. Résultat : les Français ne savent même pas qui ils sont, d’où ils viennent. Donc où ils vont. On va vers des drames terribles. Ce ne sont pas ces messieurs du Parlement qui connaissent les Français. Raison pour laquelle, désespérément, un Le Pen apparaît.​

Dans ma préface à venir, je préconise qu’il importe d’étudier chaque classe, chaque ethnie, chaque groupe. Dans les Ardennes, il y a des conditions identiques que celles que montre Pierre-Jakez Hélias. Il faut être l'ami, le proche, le confident. Un an de recherche ne suffit évidemment pas. C'est pendant 20 ans qu’il faut travailler, analyser, étudier. Vous le savez bien, si vous allez étudier le Groenland, que ce n'est pas en un an que vous allez comprendre les habitants. D'autant plus qu'ils sont métis, qu’ils sont issus de deux cultures, très fiers, parfois complexés, c'est le pire. Voilà, j'ai enfin répondu à votre question : spiritualité de la nature, nécessité des croyances et de la religion. Je ne suis pas The Little Big Man, ce n'est pas ce phénomène qui apparaît chez moi. C'est vraiment une révélation. Dans Little Big Man, il est admiratif. Moi, c'est plus compliqué. C'est en moi, ancré au fond de mon être.

FM : Je rebondis un peu sur ce que vous dites à propos des Bretons mais aussi des ambiances, rocambolesques ou sinistres, au niveau de la recherche, universitaire ou autre. En 1955, le premier livre de la collection « Terre Humaine », cette extraordinaire et salutaire aventure éditoriale, est le vôtre : Les derniers rois de Thulé. Livre aujourd’hui de référence, traduit dans plus de vingt langues dans le monde, il n’a pas été apprécié à sa sortie par le système universitaire et notamment le CNRS. Vous avez d’ailleurs, à ce moment, été radié du CNRS !

JM : Pour de bonnes raisons.

FM : Je n’en doute point ! Et je fais un lien avec Nicolas Bouvier qui dit, comme on sait, qu'il a fait ses universités sur les routes ; vous, de votre côté, vous précisez que votre « nord mental est inuit » et que les peuples arctiques représentent votre « seconde et véritable université ».

JM : En fait, ma véritable université… c'est moi. Il faut que je rentre en moi-même. C'est en moi et, en ce qui concerne Aude qui est avec nous, ce sera en elle. Si elle devient fonctionnaire du CNRS ou de l'université, ça c'est zéro. Il faut qu'elle cherche à comprendre d'autres hommes et d’autres femmes, une société différente de la nôtre, et saisir dans quelle mesure elle peut les appréhender. Notamment dans leurs drames. Car pour elle-même, dans sa propre vie, il existe aussi des drames. Vous avez votre physiologie, votre aménorrhée ou pas d'aménorrhée, etc., votre santé et puis votre tête, vous pensez à quoi ? Vous aimez votre père, vous le détestez ? Qui êtes-vous ? Que faites-vous ? A quoi ça sert de vivre ? Là, vous commencez à vous poser les bonnes questions ? Ce n’est pas la peine de passer par Lacan. C'est vous-même qui partez à votre quête, mais là il faut aussi que vous cherchiez l’humanité. Car il faut inventer les hommes !​

 

J'ai rencontré des analphabètes et ça ne m'a jamais gêné. Ce sont des hommes très simples mais ils m'ont posé des questions immenses. Et une des questions les plus importantes, je l'évoquais : l'animal. On en vient. L'ours pense. Les Inuit ne le diront jamais parce qu'ils sont très prudents mais en fait, ils sont évolutionnistes, ils sont hybrides. Ils ne sont pas loin de l'animal humain mais ça renvoie à l’histoire de l’Humanité. Je suis avec des hommes qui en sont encore à ce temps, mais ils se dressent, se redressent, et là il y a une rupture avec l'animal. Un des points les plus passionnants, puisque j'ai été dans toutes ces régions où il y avait alors des famines. Ce n'est pas n'importe quoi une famine : une mère étrangle une fille sur trois, le père va se laisser mourir, et les survivants rient et me disent « mais t'es pas heureux là-bas ; reste, le poisson, il va revenir »…

 

​Les Inuit nous prennent pour des cinglés et pour des êtres en train de détruire la nature. Eux composent avec elle. Au sein de toute société, le basculement de l’harmonie à l’horreur est toujours possible. Cela, ils le savent parfaitement. Comme ils savent également qui nous sommes et d’où nous venons. Je pense qu'ils ont une conscience de peuple mythique. Les Groenlandais, c'est différent, ils ne sont pas Inuit, ils sont Kalaallit. Ils sont métis. Ils ont déjà changé, et cela va continuer.

FM : Après 60 ans de lutte auprès des minorités, des plus faibles et des plus exclus, nous imaginons que vous n’allez pas vous arrêtez en si bon chemin. Quel est votre combat actuel ? Hier, au moment où pour honorer votre parcours, le Maire de Strasbourg vous a remis la Médaille de la ville, vous évoquiez un appel important, que vous souhaitez lancer.

JM : Cet appel est passé sur France Inter et France Info [écouter l'extrait radiophonique ici]. Nous sortons d'une Guerre mondiale effrayante, il ne peut plus y en avoir une autre, une autre guerre, et c'est la fin du monde, nous nous déshonorons à tout jamais. Là je pense aux minorités. Les Esquimaux ne sont pas des hommes faciles, ils sont même très durs, ingrats, ils sont tout cela mais ils sont aussi sûrs et sereins.

 

​Je ne veux pas provoquer un grand débat philosophique sur la minorité mais je n'aime pas l'unanimité. Je n'aime pas, comme dans le Minnesota par exemple, quand tout le monde pense la même chose, avec souvent du mépris pour les différences. Pour qu’un dialogue soit fécond, il faut qu'il y ait une différence de point de vue, de regard. Si l'on ne respecte pas la minorité, alors on ne respecte pas Malaurie ! Jean Malaurie est une minorité en soi. Et si on ne respecte pas les minorités intellectuelles alors qu'est-ce que c'est ? C'est Hitler, c'est la fin de l'intelligence. On a déjà vu où cela nous mène.

​Par ailleurs, la biodiversité, c'est une certitude, est essentielle pour l'avenir de l'espèce ainsi que pour la survie de la multiplicité culturelle. Cela renvoie à la même chose. Je ne peux pas vous le démontrer mais dans les neurones des Inuit et des Papous, il y a sans doute un plus par rapport à nous, c'est certain, sinon ils n'auraient pas pu traverser ces périodes effrayantes de la préhistoire. Ils les ont traversées.



Il existe aussi toute une anthropologie inconnue qui reste à explorer. Comme ce fut le cas jadis avec la pensée sauvage. Nous sommes au début d’une découverte d'un espace totalement nouveau. Je souhaite encore évoquer un autre espace, celui de la religion. L’évangélisation fut dans tout le Grand Nord un véritable choc. En terre inuit, la parole biblique est arrivée dans un espace déjà formé. La base même de la religion est inscrite dans cette préhistoire.

AC : En complément de l’appel solennel que vous avez lancé, comment voyez-vous l'avenir des Inuit et des Groenlandais en particulier ?

JM : Très difficile. Première menace, la corruption, la place de l'argent. Il y a une fonction matérialiste. La culture autochtone est très matérialiste, manger, dormir, circuler, marchander, etc., tout naturellement, ils veulent de l'argent. Les Inuit, comme tant d’autres, ne se rendent pas compte que cet argent va les détruire. Il n’existe pas chez eux une culture spartiate. Il n'y a pas non plus une culture fondée sur le mépris. En conséquence, ils sont hélas mûrs pour être avalés par le dollar…

Au Groenland, la plupart des habitants sont luthériens. Ça les a protégés mais les a perdus à la fois. Lors du premier congrès international que j'avais présidé, tous les Inuit étaient rassemblés. Là, vous voyez naître une conscience, et c'est une conscience douloureuse. Pour la première fois, on leur dit : « Vous êtes intelligents, vous êtes un grand peuple ». Le directeur du journal Atuagagdliutit me dit : « C’est la première fois que j’entends ça. J’entends toujours dire : il faut vous éduquer, il faut que vous appreniez ». Mais, du fait de ce passé douloureux, vous êtes devant un peuple qui a mauvaise conscience de ne pas avancer assez vite. En réalité, il n’avance pas ou très peu. Pourrait-il d’ailleurs avancer ? Oui bien sûr, mais c'est déjà un autre peuple. Il y a là deux approches autour de l’identité des Inuit sur lesquelles il nous faut tous réfléchir.

Propos recueillis par Aude Créquy et Franck Michel
le 24 mai 2013, à Strasbourg

à l'occasion de l'hommage rendu à Jean Malaurie 

par le festival Cultures de Paix.















ECOUTER

L'appel de Jean Malaurie pour sauver la banquise (24 mai 2013)
Un son de France Inter / Radio France

Le scientifique et écrivain Jean Malaurie, spécialiste de l'Arctique, était hier à Strasbourg. Il y a lancé un appel solennel pour sauver la banquise, menacée par le réchauffement climatique et les convoitises que suscite son sous-sol. Jean Malaurie espère ainsi mettre sur pied rapidement, dans la ville des institutions européennes, un groupe de travail qui puisse faire des propositions rapides (Olivier Vogel).
http://www.franceinfo.fr/environnement/jean-malaurie-chercheur-passionne-du-grand-nord-lance-un-appel-pour-sauver-la-999489-2013-05-24


VOIR
Jean Malaurie, une passion arctique
Un film documentaire de Michel Viotte / Arte 2010

Ce documentaire, réalisé entre Uummannaq (nord-ouest du Groenland) et Paris, rapproche des séquences d’entretien, des scènes récemment tournées en présence de Jean Malaurie, par Michel Viotte au Groenland et des images d’archives concernant Jean Malaurie dans ses diverses missions, du Groenland à la Sibérie. Michel Viotte a également inclus des images d’archives exceptionnelles concernant la vie primitive esquimaude.
Ce film permet de mieux comprendre ce scientifique atypique qu’est Jean Malaurie : naturaliste, géomorphologue et géocryologue de formation, Jean Malaurie est devenu, au fil de ses trente et une missions solitaires parmi les populations circumpolaires, un observateur très rare de leur quotidien, de leurs rites et de leur philosophie, si profondément inspiré de l’animisme.
http://www.jean-malaurie.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=75&Itemid=45


LIRE
Tous les ouvrages – à commencer par Les derniers rois de Thulé et Ultima Thulé – de Jean Malaurie. Ne pas manquer non plus de se plonger dans toutes les œuvres de la riche collection « Terre Humaine », créée et dirigée par Jean Malaurie depuis 1955 : http://transpolair.free.fr/sciences/cea/terre_humaine.htm
Sur le site de La croisée des routes, lire aussi l’entretien de Jean Malaurie, réalisé en 2012 par Joël Isselé : http://www.croiseedesroutes.com/#!jean-malaurie/c1k02

Aude Créquy et Jean Malaurie

(photo Franck Michel)

​Je me suis posé la question  « à quoi sert l'intelligence ? ». Si l'intelligence n'est pas au service d'une action, n'essayez pas de la mettre dans des écrits. Les écrits ont un rôle, une fonction. On n'écrit pas n'importe quoi, ou dans ce cas, il vaut mieux faire autre chose ! Personne n'est condamné à écrire des livres.

J'ai pris conscience qu'il y a une perte d'autorité intellectuelle de cet Occident si prodigieux – avec Goethe, Voltaire, Rousseau – et j'ai voulu reconstruire mon intelligence avec d’autres gens et auprès d’autres cultures. Je suis d'une culture janséniste. J'ai voulu choisir et rencontrer un peuple très rude, très cruel. Je ne peux pas aller plus loin au Nord, je suis allé le plus au nord possible, tout près du pôle.

L'éboulement, c'est les pierres qui tombent les unes sur les autres en désordre. J'ai voulu m'affronter à ce problème : le désordre. C’est là que je découvre l'ordre, c'est-à-dire que la nature ne supporte pas le désordre, elle veut l'ordre. J’ai ainsi mis en valeur un écosystème qui s'appelle l'éboulis. Je suis un très grand spécialiste de l'éboulologie. C'est moi qui l'ai créé ce domaine. Je suis un éboulologue !

Les Inuit m'ont changé, pas instruit, mais transformé. Ils ont réveillé en moi ce que j'étais. Je suis chrétien d'origine, et au demeurant, les Inuit ne sont pas contre l’idée de la religion monothéiste, mais il y a la pierre. Il y a la matière qui parle…

Les Inuit m'ont appris à réfléchir sur l'amitié et l’hospitalité. Ils m'ont appris la sérénité qui est une grande qualité. Il faut méditer, être silencieux, peu à peu se « naturer » pour reprendre l'expression de Rousseau. Là je retrouve des pensées chinoises, shintoïstes.

Les Inuit ont vu très vite que les nouveaux arrivants occidentaux face aux divers périls étaient nuls. Ils ont ressenti beaucoup de mépris. Il a fallu attendre Knud Rasmussen, pour entendre parler autrement du Groenland, et que les explorateurs deviennent plus inuit.

Je crois que l'Occident est en perdition car il ne sait pas le trésor qu'il y a dans ces peuples dits primitifs, tout comme dans le peuple français.

Les Français ne savent même pas qui ils sont, d’où ils viennent. Donc où ils vont. On va vers des drames terribles. Ce ne sont pas ces messieurs du Parlement qui connaissent les Français. Raison pour laquelle, désespérément, un Le Pen apparaît.​

En fait, ma véritable université… c'est moi. Il faut que je rentre en moi-même. C'est en moi et, en ce qui concerne Aude qui est avec nous, ce sera en elle. Si elle devient fonctionnaire du CNRS ou de l'université, ça c'est zéro. Il faut qu'elle cherche à comprendre d'autres hommes et d’autres femmes, une société différente de la nôtre, et saisir dans quelle mesure elle peut les appréhender.

​Les Inuit nous prennent pour des cinglés et pour des êtres en train de détruire la nature. Eux composent avec elle.

Roland Ries, Maire de Strasbourg, remet la Médaille de la Ville à Jean Malaurie
(photo Franck Michel)

Si l'on ne respecte pas la minorité, alors on ne respecte pas Malaurie ! Jean Malaurie est une minorité en soi. Et si on ne respecte pas les minorités intellectuelles alors qu'est-ce que c'est ?

Les Inuit, comme tant d’autres, ne se rendent pas compte que cet argent va

les détruire.

Jean Malaurie et Michel Viotte

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